Il y a des films (des séries, parfois, la première saison de True detective restera comme le plus fidèle exemple) qui demandent qu’on s’y plonge par temps chaud. Il me semble qu’un Miracle mile, qu’un Do the right thing n’auraient pas résonnés si fort en moi si j’en avais fait la découverte autrement que durant une journée de moiteur estivale. La saveur de la pastèque devait logiquement faire partie de ceux-là. J’en étais convaincu. J’ai d’ailleurs englouti un quart de pastèque, un peu plus tôt, de façon à me mettre en de bonnes conditions. Simplement, le climat n’était pas propice. C’est ce qu’il l’a desservi, je pense, il ne faisait ni vraiment beau ni chaud ce jour-là.


 S’il est beaucoup question de pastèque dans La saveur de la pastèque, c’est aussi l’histoire d’une « rencontre » entre deux être paradoxaux, aussi solitaires qu’ils sont asexué pour l’une et hypersexué pour l’autre, dans un immeuble vide, au sein d’une ville quasi apocalyptique – pour le peu de plans qu’on nous offre de la ville. La pastèque est le point névralgique de cette apocalypse : C’est une denrée dorénavant moins chère que l’eau minérale, qui elle vient à manquer. Donc quand l’une vole des bouteilles dans le musée où elle travaille, lui prend des bains dans les cuves sur le toit des immeubles. Mais on ressent peu cet état de suffocation que j’espérais tant. La pastèque, d’abord hyper sexualisée, objet de tous les fantasmes (entière, en morceaux ou en jus) devient vite aussi triviale que le reste. Ça manque de vertige.
En plus de cela, je m’aperçois à mesure que la filmographie de Tsai Ming-Liang m’est plus familière, que son cinéma me touche peu. J’y suis très admiratif, ça oui, notamment pour la composition de chacun de ses plans, puisque la durée lancinante épouse souvent brillamment la majesté de ses cadres ; Mais aussi par le fait qu’on puisse aisément le reconnaître entre mille, que l’on pioche tel plan ou telle scène, au hasard dans le film. Mais c’est une admiration très distanciée, moins béate qu’intimidée. Et sauf exception avec Goodbye dragon inn, qui m’avait autant ému que fasciné, je n’ai jamais envie de revoir du TML, c’est aussi simple que cela. Ça peut changer, évidemment, je n’ai vu aucun de ses premiers films (des années 90) mais j’y crois de moins en moins.
Le film me gagne par instant pour me perdre lors du suivant. Et je lui trouve une certaine dose de provocation très embarrassante, qui ne parcourait pas ses autres films. La dernière séquence joue justement sur ces deux niveaux : Rarement la mise en scène du taiwanais s’est faite aussi précise et puissante, mais sans raconter ce qui s’y trame, il me semble qu’il va un peu loin dans l’idée de l’ébranlement du monde et la mort du désir. En revanche j’aime beaucoup ce qu’il fait du quotidien de chacun d’eux et ce qu’il obtient de leur premier jeu de séduction dans un rayon de dvd. Toutes les chansons qui agissent en tant que transitions ci et là, je trouve ça vraiment d’un mauvais goût, par contre – en tout cas ça me sort littéralement du film à chaque fois – mais ce n’est que mon avis. Mitigé, donc.
JanosValuska
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le 10 juil. 2019

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JanosValuska

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