Je n'ai pas trop envie de vous parler des qualités du film, du plan-séquence magistral du début, de l'ambiance film noir, de ce que vous voulez, vous trouverez ça très facilement un peu partout et puis ce n'est pas le sujet.


Le sujet aujourd'hui, c'est ma lourde déception en ayant revu ce film.


A chaque fois que je vois ou que je revois un Welles, je m'énerve toujours un peu à cause des excès du bonhomme dans la mise en scène, c'est impressionnant, oui, mais pas toujours pertinent, parfois boursouflé et surtout, s'il n'y a rien derrière, ça ne peut pas sauver grand chose...


Avec La Soif du mal, feu mon préféré, je n'avais pas cette crainte, c'était un peu une des rares exceptions me permettant d'aimer le bonhomme aussi pour n'être pas seulement le réalisateur d'un seul film perdu après dans les méandres d'une multitude de projets tentaculaires l'étouffant au bord de la noyade par étranglement.


Et pourtant...


L'histoire est absolument stupide en elle-même, torchée jusqu'à l'impudeur... Vous me direz qu'on s'en branle et que ça n'empêche pas Le Grand sommeil d'être une merveille mais tout de même, faut faire le minimum syndical. Ici en plus, le héros est à la limite du supportable, et je vous dis ça en aimant beaucoup Charlton, mais je trouve qu'il porte mieux la jupette que le teint basané et la moustache mexicaine, c'est comme ça...


En plus d'être une caricature antipathique, le bougre passe tout le film à délaisser sa femme toute neuve, la délicieuse Janet Leigh et ça n'est pas pardonnable.


Janet, la pauvre, commence à a avoir un lourd passif dans les motels, et son personnage se balade dans une atmosphère entre le tragique et la farce sans que jamais le ton ne soit justifié plus que ça... Entre des scènes filmées très durement, on nous montre un Akim Tamirof absolument comique et un neveu tellement laid que sa présence à l'écran est une insulte aux âmes sensibles.


Du coup, l'ambiance n'est plus ce qu'elle était, la moiteur retombe, les décors font toc, on ne s'ennuie pas pour autant, non, mais on regrette, on regarde tristement le gâchis de tout ce talent débordant qui n'arrivera donc jamais plus à réussir totalement un autre film et on l'admire plus que jamais, lui, puissant, pathétique, pachydermique, interprétant peut-être son plus grand rôle et nous emportant encore avec lui, une dernière fois, parce qu'on pardonne, parce qu'il déborde au-delà de la logique et du bon goût, et que cette émotion là, démesurée, folle, c'est vraiment quelque chose de rare.


Alors si en plus une Marlène magnifique vient lui donner un petit coup de main, moi, je n'ai plus rien à dire, je rends les armes, j'admire, tant pis.

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le 4 sept. 2012

Modifiée

le 4 sept. 2012

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Torpenn

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