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Il n’est pas rare de voir plusieurs films avec Huppert en même temps tant l’actrice française tourne de films chaque année. Double dose d’Huppert donc en ce moment, car en plus d’un savoureux second rôle chez François Ozon, elle est également à l’affiche de ce solide et intéressant film dossier signé Jean-Paul Salomé.


Un matin, Maureen Kearney est violemment agressée chez elle. Elle travaillait sur un dossier sensible dans le secteur nucléaire français et subissait de violentes pressions politiques. Les enquêteurs ne retrouvent aucune trace des agresseurs. Est-elle victime ou coupable de dénonciation mensongère ?


Le film-dossier est un genre cinématographique qui a toujours existé avec un certain succès en France. Ses représentants étaient hier Yves Boisset et André Cayatte. Aujourd’hui, Yann Gozlan, Frédéric Tellier ou Thierry de Peretti. Désormais, il y a Jean-Paul Salomé. Pour réaliser un bon film-dossier, il faut un sujet fort. C’est le cas pour ce film. Le sujet est très intéressant car il traite à la fois d’une enquête, d’une grande entreprise, de la machine policière et judiciaire. Le film est adapté d’un livre-enquête signé Caroline Michel-Aguirre et se fonde donc sur un matériau d’une grande rigueur et solidement documenté. En 2011, la syndicaliste Maureen Kearney alertait sans succès les politiques d’une possible cession du savoir-faire français en matière de nucléaire par EDF à la Chine. Ce qui rajoute de l’intérêt au film, c’est que l’avenir donnera raison à la syndicaliste. Areva deviendra Orano et divisera par quatre ses effectifs. Depuis, la Chine construit des centrales nucléaires partout dans le monde grâce au savoir-faire français.


L’autre réussite du film est d’avoir su maintenir le suspense sur la totalité du film. Le film est composé de deux parties. La première partie concerne l’enquête de Kearney, la deuxième raconte la confrontation avec la police et la justice. L’enquête est passionnante. Il y a un indic, des rencontres à la recherche d’informations, des conflits. Le cinéaste distille habilement de l’angoisse à coups de musique anxiogène et d’appels téléphoniques anonymes. Salomé se place sous l’égide d’Hitchcock en coiffant sa syndicaliste du chignon de Kim Novak dans ‘Vertigo’. Ce qui est prenant, c’est qu’on ignore qui tire les ficelles. Qui est cet indicateur qui travaille chez EDF ? Quelles sont les intentions d’Anne Lauvergeon qui semble soutenir l’enquête de Kearney ? N’a-t-elle pas des intérêts personnels dans cette enquête ? Même la syndicaliste est inquiétante. Son obsession fait peur.


Dans la deuxième partie du film, Salomé pointe efficacement les lacunes, les carences voire les malfaisances de l’appareil policier et judiciaire. Le film montre comment la victime devient une coupable et comment elle va se faire broyer par la justice.


Jean-Paul Salomé assume de faire un film-dossier, de prendre le point de vue de Maureen Kearney. Il faut saluer le fait que les noms de chaque protagoniste aient été gardés. On croise ainsi Anne Lauvergeon, Luc Oursel (Successeur de Lauvergeon à Areva), Henri Proglio (PDG d’EDF) ou Arnaud Montebourg. Le film montre le rôle de chacun dans l’affaire. C’est la force du film. Il est efficace et frontal. La limite du film est, comme d’ailleurs pour tout film dossier, que le propos est parfois légèrement réinterprété pour les besoins du message du film. Ainsi la misogynie du milieu de l’entreprise ou de l’appareil policier est un peu surlignée.


Le film vaut beaucoup pour ses interprétations. Isabelle Huppert est absolument impeccable dans le rôle de cette femme obstinée, jusqu'au-boutiste. Marina Foïs incarne une Anne Lauvergeon trouble, impénétrable. Yvan Attal incarne un Luc Oursel odieux, mais au fond n’était-il pas qu’un pion, qu’un élément de transition visant à faciliter l’opération ?


‘La syndicaliste’, sans jamais bouleverser l’histoire du cinéma ou le genre du film-dossier, passionne et intrigue. Il relève d’une certaine tradition du cinéma français en matière de film-enquête sur des scandales politiques. Au sortir de la séance, le spectateur est amené à se poser des questions sur le rôle de chaque interlocuteur et de l’Etat français dans cette affaire.


Noel_Astoc
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le 14 mars 2023

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