Terre brûlée de neige, le « Champ du Diable » fascine autant qu'il est craint. Zone de chasse des rapaces vénaux, les colombes ne s'y approchent pas, par peur de tacher leur beau plumage blanc.


La Terre qui flambe est compliqué d’accès. Le premier tier du long métrage offre une succession d'action et de personnages qui empêchent l'implication du spectateur dans le film. De surcroît, la séance était dépourvu de partition musicale, rendant davantage difficile l'entrée dans le scénario. Heureusement, l'intrigue ouvre la porte d'entrée aux spectateurs lorsque Johannes épouse Gerda, comme si notre intérêt s'enflammait en adéquation avec les ambitions brûlantes du jeune homme, nous rendant ainsi prêt à nous aventurer dans le « Champ du Diable ».
Dans ce champ infernal aux plaines arides et enneigés, y est édifié un monastère, édifice chrétien et intouchable. Sa présence est symbolique car si plus tard le derrick disparaîtra, lui restera, marquant la victoire de la religion face aux vices. Ce champ reste un lieu hostile, considéré comme maudit, constamment filmé en plan d'ensemble de tel manière que cela donne l'impression que même la caméra ne souhaite s'y approcher. Nous verrons cependant les personnages s'y engouffrer, tournant autour d'elle à l'image d'une danse avec le diable.
Johannes Rog, homme ambitieux, y dansera succombant alors au chuchotement du malin. Il reniera ses origines modestes, préférant les grandes maisons aux plafonds sans fins aux murs restreints de la ferme familiale. Il rejoindra alors un milieu aisé, devenant le secrétaire du comte von Rudenberg. Sa présence à ses côtés nourrira des ambitions qui le pousseront à manipuler les gens autour de lui. Gerda, la fille du comte, et Helga, sa femme, seront les premières à subir ses griffes. Il épousera Helga contre toute attente pour acquérir la terre infertile. Infertile oui, mais non pas sans richesse. Y réside dans ce champ maudit de l'or noir, trésor impur de l'industrialisation. Johannes aura eu tout ce qu'il toujours désiré : argent et pouvoir. Néanmoins, tel Lucifer le corrupteur, il chutera de par la hauteur de ses ambitions, la malédiction autour de ce lieu et la seule personne bernée en capacité de se venger le rattrapant dans son envol.

Gerda est une femme forte et extrêmement têtue. Elle se détache des autres personnages féminins de par sa force de caractère et de son autonomie. C'est la personnification de l'avancée sociétale concernant la place de la femme. Par cet effet, il est alors naturel que ce soit elle à mettre un terme aux rêves de grandeur de Johannes, les deux étant du même monde. Par ailleurs, à l'image du jeune homme, le métrage nous bernera puisque tout portait à croire que les deux allaient finir ensemble, le film appuyant cela par le fait que les deux étaient destinés à se marier à d'autres personnes. Finalement, Johannes prendra la main de Helga, prenant à contre-pied le spectateur et Gerda. Malgré tout, cette dernière tentera de le séduire à fin, sans succès, l'homme lui révélant son machiavélique stratagème. Par vengeance elle mettra à feu le puits de pétrole, dans une séquence en montage alterné avec les bénédicité de Peter, frère de Johannes, colorant le celluloïd d'un rouge infernal aux allures de jugement divin. Johannes observera sa chute à travers une fenêtre, le feu obscurcissant sa figure comme consumé par les flammes. Cette vision de malheur ne fera que conclure sa rédemption alors entamée des suites du suicide d'Helga, décès l'ayant changé, lui faisant avoir le même comportement que chez sa famille avec les hommes de la ville : arriver en retard aux négociations tout en faisant la moue. Dans un final pleins de bons sentiments, Johannes retournera auprès des siens avant de conclure le métrage de manière très abrupte au terme d'une poignée de main avec Peter.


La Terre qui flambe est une copie propre entachée par une introduction offrant une mauvaise entrée en matière. Cependant, l’œuvre est ambitieuse, Murnau dépeignant diaboliquement un homme consumé par le désir au milieu d'un terrain vague. Ce parcours dépeint néanmoins une vision moralisatrice très manichéenne prônant les valeurs antiques de la famille au profit du capitalisme, vision manquant cruellement de nuance.

Flave
6
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le 19 févr. 2022

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Flave

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