On retrouve avec la Tour l'environnement inconnu, étrange et propice à sauver ou à perdre propre à Nicloux (The End, Valley of Love, les Confins du monde) et le cinéaste déjoue les attentes du film de SF. On pense à La brume pour ces locataires d'une barre HLM envahie par un brouillard noir grimpant inexorablement les étages. Si le réalisateur joue du minimalisme toujours appréciable pour changer de point de vue, pour exacerber la créativité, malgré un début intrigant, il abandonne ses thèmes trop peu approfondis et ses personnages au fil du métrage, au profit d'un cheminement répétitif, ne permettant pas de ressentir l'évolution et la tension inhérente aux comportements de plus en plus douteux même si l'on imagine parfaitement que la solidarité reste une vison de l'esprit. Alors on aurait espéré moins de clichés, moins d'interactions inutiles et si ce n'est d'action, un huis-clos qui ne s'arrête pas seulement aux appartements et aux étages, avec quelques scènes, dites chocs, qui ne font que renforcer ce sentiment de savoir ce qu'il va se passer. L'humain est prévisible, certes.

Nicloux explore nombre de thèmes dans sa filmographie et s'exonère souvent des partis pris habituels plaçant le cinéaste hors les clous, qui vient au moins, nous faire oublier son dernier jet, La Petite.

Malheureusement, l'intrigue tourne sur des bandes de dealers d'une zone HLM, mis à mal par un confinement forcé et leurs victimes collatérales. Les ellipses passant de 6 mois à deux ans et 5 ans laissent la situation en l'état, passant d'un groupe à un autre où chacun tente de s'isoler où quelques signes d'un enfermement sans lumière laisseront quelques stigmates mais tous, encore bien vivants. Le genre huis-clos apte à l'horrifique a du mal à supporter la durée, les personnages oubliés en cours de route et les dialogues peu inspirés. Il ne s'agira pas de s'attacher à ces personnages miroirs de ce que nous sommes, bien peu intéressants et autocentrés, qui ne sont que le reflet malaisant de nos propres capacités à la survie ou à la soumission mais l'ensemble reste si ce n'est véritablement choquant plutôt inoffensif. Les femmes qui comme toujours auront la seule légitimité du ventre avec en prime, ces amourettes défouloir, qui viennent rendre compte de la parfaite inutilité de l'être humain incapable de s'exonérer de ses automatismes. Et peut-être, sous la misogynie ambiante de vérifier que quelques unes décideront d'opter pour la réponse franche, ou à l'inverse que les plus vieux d'entre nous, eux aussi invisibles et aveugles au fantasme de la solidarité face à la violence de ses enfants/adolescents des quartiers défavorisés, déjà abandonnés depuis longtemps dans une autarcie de violence et d'ignorance, ne se rebelleront pas contre leur dignité bafouée. On reste bien formaté.

Pas de héros bienveillant ni de courageuses victimes et aucune explication non plus dont on sait seulement que la situation apocalyptique est la propre résultante de notre environnement de plus en plus vicié.

La condition sociétale parfaitement à l'œuvre avec le communautarisme latent et un brouillard tueur comme métaphore de la noirceur de l'âme humaine pour un final jusqu'au boutiste au moins réussi dans son pessimisme avéré mais en même temps, reposant.

limma
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le 20 janv. 2024

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