Roman Polanski est un auteur fascinant. Je dis bien auteur et pas réalisateur car il fait parti de ses personnes qui peuvent être qualifiée à part entière d'artiste accompli. Un peu comme le furent les pionners du cinéma français Renoir ou Clair pour qui on ne les appelait pas "Director" mais bien "Autor". Dans cette nouvelle oeuvre, Polanski nous épate de nouveau dans sa faculté à nous montrer du remarquable avec peu de choses. Il prouve dans ce film que l'on est pas obligé de devoir toujours chercher un nouveau style mise en scène, de récit diégétique complexe et de cadrage métaphorique bancale et hermétique. Adopter les bases d'une mise en scène soignée au peigne fin, avec des mouvements et des cadrages propres et variés est ainsi beaucoup plus agréable à voir qu'une recherche symbolique et abstraite de l'ontologie du cinéma contemporain !

Le premier plan est magistral, un plan séquence de presque une minute en fond de générique. Un travelling arrière prêt de la place Vendôme à Paris qui nous emmène dans un théâtre parisien où Thomas metteur en scène mais surtout adaptateur de la pièce fait passer des auditions pour jouer le rôle titre de "La Vénus à la Fourrure". Mais alors que Thomas incarné par un excellentissime Amalric (décidemment une valeur de plus en plus sûr du paysage français en ce début de siècle), décide de finir les auditions dû à la médiocrité affligeante des prétendantes au rôle, vaint Vanda femme dynamique et vulgaire qui se présente à lui avec plus d'une heure de retard. Cette audace incarnée à l'écran par Emmanuelle Seigner la femme de Polanski va ainsi engendré un bouleversement pour Thomas qui va alors tomber dans le jeu des abymes.

Ce qui est marquant dans ce film -qui est presque une pièce de théâtre à lui tout seule- est la faculté qu'il a à tendre le spectateur en haleine et lui faire faire sa propre interprétation des choses. Ce film est filmé un peu comme une pièce de théatre avec deux acteurs qui jouent dans l'univers intra diégétique seul face au monde, mais indébitablement aussi face à nous, le public dans la salle. Il est ainsi paradoxalement le complice des actions que préconisent les deux protagonistes. Ce qui est ainsi marquant dans le shéma narratif est la faculté que le scénario a pu offrir à la mise en scène. Si j'avais reçu le script de mes mains propres je ne suis pas sûr que j'aurais pu le comprendre d'un coup. Et c'est ici la grandeur de ce réalisateur qui parvient à gérer tout un système complexe de paramètres techniques et artistiques pour créer une grande oeuvre. Les cadrages et la gestion de la lumière sont soignées et le mixage son est une merveille. On a l'impression que Polanski a toujours voulu avoir ce double chapeau de metteur en scène de théâtre et réalisateur de cinéma en même temps. On a d'ailleurs pu le voir en 2006 à Paris dans la pièce "Doute" de John Patrick Shanley. Il est ainsi de ces artistes qui s'est manié l'intelligence de la mise en scène, du jeu des acteurs et de la technique cinématographique. Et tout le monde y trouve son compte. Sérieusement je connais personne qui dans la Salle du Grand Théaâtre Lumière de Cannes n'a pas aimé ce bijou !

Amalric est impecable dans son rôle de metteur en scène perdu dans son travail d'artiste qui se laisse absorber petit à petit par cette femme fatale qui s'avère connaitre beaucoup mieux la pièce que lui même. Ce décalage, ce rapport de force qui s'inverse entre les deux personnages est génial. On passe ainsi d'une femme trempée qui supplie Thomas le metteur en scène de la faire auditionner, à une scène finale grandiose où Thomas est enchainé sur scène aveuglé par les éclairages et domptait, si je puis dire, par Vanda qui à la fin du film comme dans l'adaptation de la pièce intradigétique, a pris le pouvoir. Ce cadeau merveilleux que nous fait Polanski est de mêler malicieusement ce parralèle entre réalité et illusion, entre la pièce et l'interprétation. Et c'est finalement cette idyle amoureuse qui en fait un grand film, car absence de contact physique ou pas, il n'en fait pas moins une noblesse incroyable de la suggestion dans cet endroit clos où deux personnages resteront les deux seuls du film. Tout cela grâce à une gestion exacerbée du rythme anxiogène de la mise en scène. Et c'est cette dualité ambiguë de la mise en scène qui en font ainsi un grand film en tout point. Le travail est là, il se remarque, 20 jours de tournage pour 6 mois de préparation... Un modèle pour les jeunes réalisteurs à en devenir. A voir sans aucun doute possible pour une bonne leçon du cinéma par le maître Polanski qui après le très bon "The Ghost Writer" continue à prouver que le cinéma actuel n'a pas besoin d'artifice et de nouveaux procédés superflus pour réussir une oeuvre complète et sincère.
Raphaël_Mørgan
9

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le 26 mai 2013

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