Plus d’un an et demi après sa Palme d’or surprise (tout le monde attendait Cold war, Burning ou Dogman, mais ce fut Une affaire de famille), Kore-eda Hirokazu, sous l’impulsion de Juliette Binoche, est venu réaliser en France (plus précisément à Paris) son nouveau film. Une autre "affaire de famille" autour des relations conflictuelles d’une actrice vieillissante et capricieuse (et qui vient de publier ses mémoires) avec sa fille scénariste, puisque la famille reste LE grand sujet qui passionne Hirokazu depuis un moment, de Nobody knows à Tel père, tel fils en passant par Still walking. La vérité déroule donc le programme habituel d’Hirokazu au cœur de l’automne parisien avec ce qu’il faut de mensonges, de chamailleries, de culpabilité, d’amour et de pardon.


Mais en décidant de s’expatrier le temps d’un long-métrage, Hirokazu a visiblement perdu en route sa délicatesse et sa justesse de ton, sa "petite musique" (à l’instar par exemple d’Asghar Farhadi avec Le passé). Son scénario fourre-tout n’est qu’une suite de poncifs (voir cette danse très "Amélie Poulain" dans la rue au son d’un accordéon chabadabada…), de lieux communs incapables d’engager une force dramatique et d’apporter une charge émotionnelle au sujet. Et puis cette mise en abîme du film dans le film, faisant évidemment résonner la situation personnelle de la mère et de la fille à l’histoire d’une mère et d’une fille se retrouvant à travers l’espace et le temps, a quelque chose de lourd, d’hyper évident, surlignant inutilement enjeux et propos narratifs.


Les personnages s’invectivent et se réconcilient devant nous sans que l’on éprouve pour eux le moindre attachement, et il pourrait bien se révéler n’importe quelle autre sournoiserie ou éclater n’importe quelle autre bisbille familiale, cela nous laisserait et de marbre et de glace tant ils n’ont ni consistance ni originalité. Catherine Deneuve et Binoche sauvent les meubles comme elles peuvent (le pauvre Ethan Hawke, lui, ne sert strictement à rien dans un rôle de papa gâteau tête à claques), et leur prestation en mode "zone de confort" séduit vaguement, à défaut de marquer les esprits, à l’image d’un film pépère indigne du talent d’Hirokazu.


Article sur SEUIL CRITIQUE(S)

mymp
4
Écrit par

Créée

le 4 janv. 2020

Critique lue 1.6K fois

12 j'aime

1 commentaire

mymp

Écrit par

Critique lue 1.6K fois

12
1

D'autres avis sur La Vérité

La Vérité
AnneSchneider
7

Telle mère, telle fille ?

Après s’être penché sur ce qui fonde l’authenticité du lien père-fils dans « Tel père, tel fils » (2013), Hirokazu Kore-eda, entre temps auréolé à Cannes par la Palme d’Or 2018 pour « Une Affaire de...

le 2 janv. 2020

13 j'aime

5

La Vérité
mymp
4

Navet d'automne

Plus d’un an et demi après sa Palme d’or surprise (tout le monde attendait Cold war, Burning ou Dogman, mais ce fut Une affaire de famille), Kore-eda Hirokazu, sous l’impulsion de Juliette Binoche,...

Par

le 4 janv. 2020

12 j'aime

1

La Vérité
JorikVesperhaven
6

Difficile de trouver la patte Kore-Eda dans cette chronique sur le milieu du cinéma ludique mais ano

Quelle surprise de voir Hirokazu Kore-Eda s’inviter dans le cinéma français et s’essayer à un tournage dans la langue de Molière après avoir reçu une Palme d’or il y a deux ans pour « Une affaire de...

le 28 nov. 2019

11 j'aime

Du même critique

Moonlight
mymp
8

Va, vis et deviens

Au clair de lune, les garçons noirs paraissent bleu, et dans les nuits orange aussi, quand ils marchent ou quand ils s’embrassent. C’est de là que vient, de là que bat le cœur de Moonlight, dans le...

Par

le 18 janv. 2017

179 j'aime

3

Killers of the Flower Moon
mymp
4

Osage, ô désespoir

Un livre d’abord. Un best-seller même. Celui de David Grann (La note américaine) qui, au fil de plus de 400 pages, revient sur les assassinats de masse perpétrés contre les Indiens Osages au début...

Par

le 23 oct. 2023

163 j'aime

13

Seul sur Mars
mymp
5

Mars arnacks!

En fait, tu croyais Matt Damon perdu sur une planète inconnue au milieu d’un trou noir (Interstellar) avec Sandra Bullock qui hyperventile et lui chante des berceuses, la conne. Mais non, t’as tout...

Par

le 11 oct. 2015

161 j'aime

25