La Victime
7.4
La Victime

Film de Basil Dearden (1961)

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1961! Je n’arrive toujours pas à le croire. J’ai même dû mettre pause pendant le film pour aller vérifier tellement ça me semblait improbable. Il faut savoir que depuis 1861 et ce jusqu’en 1967, être "coupable" d’homosexualité était passible de dix ans de prison au Royaume-Uni. Basil Dearden (dont je salue le courage, ainsi que celui des acteurs) est alors le premier réalisateur d’Outre-Manche à prononcer ce terme au cinéma. Terminée la caricature de la "folle" qui fait rire tout le monde ou du mec louche un peu glauque; Dirk Bogarde incarne magistralement Melville « Mel » Farr, un avocat "tout ce qu’il y a de plus respectable" rattrapé par son passé.

Un maître chanteur s’amuse à prendre des photos "compromettantes" d’hommes avec d’autres hommes et menace de tout dévoiler si les victimes choisissaient de ne pas payer. C’est après l’annonce du suicide de Jack, un jeune homme rencontré sur le bord de la route au printemps dernier et avec qui il a vécu une relation plus que platonique mais pas exactement consommée, que Mel, sur le point d’obtenir une promotion, va partir mener son enquête. Beaucoup de personnages vont se croiser, et Dearden s’amuse à nous faire croire qu’on a trouvé le coupable, éliminants les suspects un à un pour découvrir au dernier moment l'auteur du crime.

Avec tous ces personnages différents, Dearden nous expose à différents points de vue. Certains trouvant l’homosexualité dégeulasse, d’autres l'acceptant, certains l’utilisant à leur fin et d’autres y étant indifférents. Et pour la première fois, les homosexuels, tant détestés par les lois et l’opinion publique, sont révélés comme ils le sont vraiment : des gens comme tout le monde, tout simplement. (Le film aurait apparemment joué un grand rôle dans la libération des mentalités de nos voisins anglais ainsi qu’une reconsidération de la loi britannique, les relations homosexuelles étant dépénalisées 6 ans plus tard).

Si la réalisation n’est pas très originale, bien que très agréable, la musique apporte du suspense (même si parfois inutile), et le film, très moderne dans le fond, se détache également des clichés qui deviendront habituels (non, le commissaire n’est pas un homophobe sans coeur par exemple). Nous sommes donc face à une communauté apeurée, ne pouvant porter plainte sans révéler sa véritable nature, une communauté prise dans un piège qui se referme doucement. Les acteurs sont bons, notamment l’excellent Dirk Bogarde qui, peu à peu, tombera le masque qu’il avait si soigneusement installé, pour pouvoir défendre les libertés de chacun; tel la photo, objet du chantage, dissimulée au début puis progressivement dévoilée. Photo qui finira consumée...

Quand à la fin le maître chanteur dont je tairai l’identité (appelons le/la Christine) justifie son geste en gueulant « they’re everywhere, everywhere you turn ! », on se rend compte de la connerie des gens. C’est triste comme ça peut sonner d’actualité presque 60 ans après.

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le 6 janv. 2015

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Oberyn

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