Il est de ces films qui marquent une existence à un point tel qu'ils nous rappellent l'essence même de l'émotion artistique: une sorte de communion mystique avec l'autre - le personnage. A la sortie de la salle de projection à Cannes, j'étais, vidé, en état d'extase pure comme rarement je l'avais été dans ma vie. Je n'ai aucun souvenir d'avoir un jour connu pareil sentiment à la sortie d'une projection à Cannes, malgré les nombreuses fois où j'ai eu la chance d'y assister.

Si le cinéma d'Abdellatif Kechiche ne m'était pas inconnu - j'avais apprécié en son temps "La Graine et le Mulet" mais j'étais resté un peu perplexe face à la "Venus Noire" - il vient à mes yeux, par ce film-ci, de se hisser au panthéon des plus grands réalisateurs de tous les temps.

Ce film, vous le savez sans doute déjà, est une adaptation libre de la bande dessinée de Julie Maroh: "Le Bleu est une Couleur Chaude". Une bande dessinée que je ne connaissais pas encore (mais cela risque bien de changer prochainement).

Si le thème général de l'histoire - une jeune fille qui découvre son homosexualité - n'est pas "super original", ce qui frappe d'emblée dans ce film, c'est la manière avec laquelle Abdellatif Kechiche met en scène son film. Sa caméra ne laisse place à aucune erreur d'interprétation: elle colle aux corps, elle colle aux visages, elle explore les âmes de ses personnages... Et là, généralement, "ça passe ou ça casse": ou bien vous avez réellement à faire à des interprètes exceptionnels dont les regards ne mentent jamais et votre film en devient passionnant, ou bien vous êtes face à des "gens qui jouent la comédie", et votre film tombe à l'eau.

Dans ce cas-ci, nous pouvons évidemment épingler un casting sans faute: si Adèle Exarchopoulos crève l'écran, tout simplement, Léa Seydoux et tous les autres interprètes semblent également "parfaitement dans leur rôle".

Non! Vraiment! Tout est parfait dans ce film: j'ai même l'impression que nous avons ici une sorte de "nouvelle avant garde", une sorte d'indication sur ce que l'avenir du cinéma nous réserve (ou devrait nous réserver, plus exactement): des histoires et des mises en scène qui sonnent juste, dénuées de toutes conceptions moralisante mais qui vont droit à l'essentiel - notre besoin à tous de "communion essentielle". Enfin, je ne sais pas si "communion essentielle" est le bon terme...

Franchement, les mots me manquent pour exprimer à quel point je vous recommande ce film! S'il ne gagne pas la palme d'or ce soir, ce sera, à mes yeux, une profonde injustice, une occasion manquée pour le jury de saluer une œuvre comme on en voit rarement dans sa vie.

Un chef-d'œuvre... tout simplement!
Bisounours84
10
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le 26 mai 2013

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Bisounours84

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