Une palme d’or à l’unanimité (à valeur de Prix d’Interprétation) et des critiques presse dithyrambiques. Au-delà de ses polémiques un peu trop envahissantes de ces dernières semaines, La Vie d’Adèle semble être un sacré film…

Oui, « semble ». Parce que les spectateurs sont quand même moins unanimes que la presse. Et je fais plutôt parti des déçus. Je suis en effet loin d’avoir été transcendé par le dernier film d’Abdellatif Kechiche. Mais pourquoi?

Parce que tout d’abord, plus que de vivre dans l’intimité d’Adèle, j’ai trouvé que la caméra mettait le spectateur en position de voyeur. Que ce soit les gros plans sur la bouche d’Adèle qui se goinfre de pâtes à la sauce tomate, les nombreuses scènes où elle est allongée sur son lit dans des positions un peu évocatrice, le rêve érotique où elle lève son t-shirt et dévoile ses seins (why ?!) ou encore le plan sur ses fesses (enfin sa raie très clairement) lorsqu’elle prend sa douche avant l’exposition des peintures d’Emma, voici autant d’exemples que j’ai trouvés aussi gratuits, dispensables que maladroits.

En plus de ces plans dont on se serait bien passé, il y a un aspect qui m’a chiffonné dans cette recherche d’intimité, ce sont les gros plans. Les bien trop nombreux gros plans. C’en est étouffant. On n’est pas dans la fibroscopie non plus mais c’est tout juste. Un peu comme si le réalisateur te choppait par la tête, te collait le nez dans la tronche de ses actrices et te balançait à l’oreille « Tu es vraiment au plus proche de la scène, tu la sens l’émotion là ? HEIN TU LA SENS ??? MA GROSSE ÉMOTION ??? ».

Et trop de larmes, trop de morve. Trop souvent, trop longtemps. Puis trop long le film. Et quand c’est trop, c’est tropico. Les 10 ans de la vie d’Adèle semblent se dérouler en temps réel. On sent passer les 3 heures, notamment le dernier tiers, à partir du moment où la routine commence à s’installer entre Adèle et Emma, le rythme du film en prend par moments un bon coup…

Un autre reproche, ça serait l’histoire qui reste assez légère. Il n’y a pas de réel fil conducteur qui tient en haleine, c’est « juste » une histoire d’amour. Certes forte par moments mais aussi chiante par d’autres. Et qui se concentre un peu trop sur la rencontre et la rupture. Ce qu’il y a pendant la relation et qui devrait être le ciment du couple est un peu plus passé sous silence.
Après, autre petit reproche à titre personnel, en tant qu’amateur de bande-originale de film, je déplore le fait de ne rien avoir à me mettre sous la dent avec La Vie d’Adèle.

Bon mais tout n’est pas à jeter non plus… Certains plans sont également bien travaillés, notamment grâce à une belle photographie. Mais ils sont bien plus rares. À l’image de celui où Adèle revient sur le banc où Emma la dessinait, la « croquait ». Pour changer, ce n’est pas un gros plan. On en savoure d’autant plus la beauté. La scène ou Adèle fait la planche dans la Manche et où ses cheveux semblent s’imprégner de la couleur bleue est également très bien mise en images.
Certaines scènes sont très fortes en dépit des défauts soulignés précédemment. Je pense notamment à la séquence sur le banc ou dans le parc entre Emma et Adèle, à leur violente dispute, à leurs retrouvailles dans le bar (bien que les clientes à côté m’aient paru étonnamment placides au vu de ce qui se déroule à 3 mètres d’elles…) ou bien à la dernière scène lors de l’exposition des œuvres d’Emma. Ce qui en fait quand même quelques-unes.

À titre personnel, je ne suis pas vraiment fan de Léa Seydoux. Elle joue bien, très bien même, mais sa tête ne me revient pas. Par contre, Adèle Exarchopoulos est d’une justesse complètement renversante. Du haut de ces 19 ans, elle livre une prestation absolument remarquable et porte très facilement une grosse partie du film sur ses jeunes épaules.
Après, ça reste dommage que le film se déroule sur 10 ans et que sa tête ne change pas. C’est normal du fait que le film ait dû être bouclé en quelques mois mais entre 15 et 25 ans, notre visage change beaucoup. Et ce ne sont pas une nouvelle coiffure et une robe qui font illusion.

Bon et vous vous dites peut être « c’est bien beau la réalisation, les plans, les actrices, nianiania, mais le sexe dans tout ça ? ». Et ben le film n’a pas volé son interdiction aux moins de 12 ans avec avertissement. C’est osé et pas censuré, sensuel et sexuel. Les actrices se livrent corps et âmes et certains esprits pourraient être un peu choqués par ces séquences très frontales. Mais personnellement, ce qui m’a le plus froissé, c’est la deuxième scène de sexe, qui contrairement aux deux autres, ne trouve aucune justification. Ce qui renforce le sentiment de voyeurisme déjà instauré évoqué précédemment et ajoute même un côté racoleur au film.

Un film assez fatiguant de par sa durée et qui semble parfois en faire des tonnes pour s’immiscer dans l’intimité et chercher l’émotion. Reste la splendide Adèle Exarchopoulos qui vampirise complètement l’écran et la très bonne Léa Seydoux, les deux atouts majeurs du film.
Epice

Écrit par

Critique lue 641 fois

22
5

D'autres avis sur La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
OEHT
10

Tomber amoureux

Une fille sort de chez elle au petit matin, s'éloigne dans la rue en remontant son pantalon puis se met à courir pour attraper son bus. Dans le train qui la mène au lycée, elle s'endort et nous...

Par

le 9 oct. 2013

240 j'aime

38

La Vie d'Adèle - Chapitres 1 et 2
guyness
5

Terre Adélie

Alors, je précise d’emblée que pour pouvoir apprécier la vie d’Adèle, il faut pouvoir mettre de côté deux ou trois détails qui pourraient agacer: le fait que sur près de 30 personnes qui ingurgitent...

le 19 févr. 2014

157 j'aime

29

Du même critique

Mad Max - Fury Road
Epice
10

Mad and Furious(a)

Quand j’ai entendu qu’un nouveau Mad Max allait sortir, la seule raison qui m’avait poussé à m’intéresser quelque peu au projet, c’était la présence de Tom Hardy. Puis tout a basculé avec le premier...

le 14 mai 2015

149 j'aime

36

Interstellar
Epice
7

Interstellar ou du cochon ?

Christopher Nolan est l’un des cinéastes actuels que j’admire le plus. Mémento est un palpitant thriller et un modèle de montage, Le Prestige m’a beaucoup marqué, Inception a récemment rejoint mon...

le 31 oct. 2014

145 j'aime

42

Batman v Superman : L'Aube de la Justice
Epice
7

Batman v Superman. Le spectateur vit les deux.

3 ans après un reboot de l’Homme d’Acier décrié mais très plaisant à suivre malgré ses défauts scénaristiques, Batman v Superman déboule en force pour poser les jalons du DC Extended Universe au...

le 29 mars 2016

117 j'aime

29