René Allio est un réalisateur que je ne connaissais absolument pas, et qui a pourtant eu une longue carrière. La vieille dame indigne fut son premier film, et son plus grand succès, car il a quelque chose d'universel, qu'on a envie d'atteindre.
Le film raconte une renaissance tardive : celle de Mme Bertini qui, après le décès de son mari, va s'émanciper, sortir, aller au cinéma, et profiter de ces derniers moments pour enfin vivre à son tour.
Dans ce portrait de femme admirablement incarnée par Sylvie (qui avait 80 ans à l'époque du tournage), c'est celui d'une personne qu'on sent qu'elle a vécu pour son mari, pour ses enfants, et qui découvre au moment d'être seule que, elle aussi, elle peut vivre.
Cela passe par la visite de grands magasins, où elle découvre le mixer, en passant devant les devantures des cinémas marseillais jusqu'à ce qu'elle largue les amarres et décide de vendre ses biens pour s'acheter une voiture et se balader avec de nouveaux amis.
Même si la personne en question a un certain âge, René Allio parle à travers elle de l'émancipation de la femme, qui ne doit pas, ou plus, vivre aux crochets des autres, et cela scandalisera ses enfants et petits-enfants de son comportement dit indigne.
C'est aussi dit à travers le personnage de Rosalie, son amie, qu'incarne Malka Ribowska (qui fut l'épouse du réalisateur), qui joue une femme très libérée, pour qui coucher un soir avec un homme ne la tracasse pas, au grand dam de la gent masculine.
Les hommes ne sont pas présentés sous leur meilleur jour, montrés comme égoïstes, veules, et qui rôdent autour de la vieille femme pour s'attirer ses faveurs pour la question de l'héritage.
Seuls émergent un petit-fils comme Victor Lanoux (dont ce fut le premier rôle important) ou Jean Bouise, qui deviendra l'ami de Berthe, mais qu'à cela ne tienne, cette dernière tracera son chemin jusqu'à la dernière miette de pain.
Bien que l'histoire se passe à Marseille, René Allio a évité les clichés, l'accent, les cigales, pour proposer à travers cette ville un monde nouveau en train de se créer ; l'érection des HLM, raser les vieilles maisons, les soirées dans les dancing. Quelque part, il y a dans le film un aspect documentaire, avec de longs plages de silences, parfois ponctuées de voix-off, mais il y a une manière très douce de filmer, à l'image de la gentillesse de Berthe qui irrigue le film.
Dans mes critiques, je répète souvent que je vois les films en en sachant le moins possible, et dans le cas de La vieille dame indigne, j'ai été comblé, car je trouve ça d'une grande fraicheur.
La vivacité de cette femme octogénaire, l'aspect presque documentaire, et le message de liberté qui court tout le long m'a beaucoup plu.