"La Vierge, les Coptes et moi", Documentaire, comédie, fiction, ce film aux divers genres se caractérise par son processus de mise en abyme ou de réflexivité. En effet, le film nous fait part des conditions de production d'un film : de la genèse d'une œuvre, en passant par le tournage, de la place de l'acteur et enfin et particulièrement de la relation entre le film et le spectateur. Le sujet de ce film n'est donc pas la production d'un film mais le film lui-même, le film à faire est au final le film fait. Par ce processus, Namir Abdel Messeeh va en venir à s'interroger sur le cinéma lui-même. En plus d'être une œuvre à part entière, "La Vierge, les Coptes et moi" est une réflexion sur le cinéma.

Il est difficile de définir "La Vierge, les Coptes et moi" comme un film documentaire au sens premier du terme, c'est-à-dire un film didactique présentant des faits réels. Certes le film s'appuie sur ces faits réels et se déroule dans un cadre réaliste mais il dépasse le stade du documentaire pour s'interroger sur le cinéma et se questionner en vérité sur ce qu'est un film.
Après le visionnage d'une cassette vidéo d'une apparition de la vierge, Namir Abdel Messeeh déclare qu'il tient un sujet de film, il va donc commencer son film sous la forme d'un documentaire dans lequel il va questionner un certain nombre de personnes sur la vraisemblance de ces apparitions religieuses. En revanche ceci n'est pas le véritable sujet du film puisque le réalisateur ne filme pas les gens en train de répondre à ses questions concernant la vraisemblance de ces apparitions mais lui en train d'interroger ces mêmes personnes. Il s'intègre lui-même dans un récit de cinéma, le film n'est pas un reportage sur les apparitions de la vierge mais la création de ce reportage, par ce processus, le film devient une véritable mise en scène cinématographique. Le cinéma va en réalité lui permettre de se rapprocher de sa famille et de se questionner sur sa propre vie. La scène la plus emblématique de ce propos est lorsque Namir Abdel Messeeh est assis sur un banc avec sa grand-mère (c'est un plan large et fixe) et qu'il va saisir avec sa main une perche pour le son hors cadre(hors-cadre?) et la faire rentrer dans le cadre pour expliquer l'utilité de cet outil à sa grand mère, par ce plan, Namir Abdel Messeeh se questionne sur la proximité entre le cinéma et la réalité, qu'est ce qui est hors du cadre? hors de la réalité? Comment montrer cette réalité avec les outils du cinéma. De plus, plutôt que de continuer à filmer le cinéaste discutant avec sa grand mère, la caméra va faire un diaporama et filmer le paysage qui les entoure alors que la discussion entre les deux continue, hors cadre. Les images du cinéma arrivent-elles encore à nous dire la vérité du monde? Il faut que l'image ait réellement quelque chose à montrer, ou plus exactement, Namir Abdel Messeeh explique par son film que la force du cinéma est de montrer ce que les individus ne perçoivent pas, propos qu'il métaphorise tout au long de son film par l'invisibilité de la vierge. C'est donc pour cela qu'il va vouloir mettre en scène une apparition de la vierge, c'est au cinéma de montrer ce qui est invisible. Ce qu'il y a derrière l'image. Le réalisateur est filmé alors comme un chef d'orchestre lorsqu'il dirige ses acteurs (filmé de dos, les bras levés, la lumière face à lui lors de la séquence de tournage de l'apparition de la vierge), il se fait alchimiste, il est le créateur du lien entre la réalité et le cinéma.
Tout au long du film, le rapport entre le cinéma et la croyance joue un rôle de la plus grande importance, le cinéaste ne cesse de se questionner sur la puissance de l'image et de l'impact qu'elle a sur le spectateur.
De façon général, la croyance est une adhésion à une idée, une pensée... Dans ces conditions, tant la foi que le savoir sont des modes différents de croyance. En effet, la croyance est un effet de la volonté, on conçoit les idées puis la volonté y adhère, les refuse ou les met en doute. Namir Abdel Messeeh, à travers son film se pose d'une part la question de la croyance en la foi mais plus précisément de la croyance en l'image et au cinéma. En ce sens le film s'interroge sur le regard du spectateur au cinéma. En effet, le cinéma demeure un moyen de transfigurer le regard du spectateur en l'amenant à une autre vision du monde et de la réalité voir même à un invisible, (représenté dans le film par l'apparition de la vierge), hors de tout cadre ou croyance religieuse. Tout au long du film, Namir Abdel Messeeh ne cesse de visionner des vidéos d'apparition de la vierge, mais il ne la voit jamais. Néanmoins sa mère et un jeune du village arrivent à la voir sur une vidéo. La place de l'écran et de l'image joue une très grande importance dans le film. Le réalisateur n'incruste pas d'images d'apparition dans son film mais il va filmer les écrans de télévisions ou d'ordinateur qui diffusent ces images, l'image n'est donc pas seulement une représentation plus ou moins exacte d'une quelconque réalité mais elle évoque autre chose, quelque chose de plus intérieur, en réalité c'est le spectateur qui fait le film. D'où le procédé cinématographique utilisé dans l'une des dernières scènes, lors de la projection du film, le cinéaste filme la projection du point de vue des spectateurs, il filme l'écran de cinéma de leur point de vue, puis leurs visages illuminés par ces images, serait-ce donc cela la véritable apparition, le cinéma? On ne distingue donc plus de différence entre la séquence de l'apparition de la vierge et la séquence de visionnage du film. En ce sens, le réalisateur nous fait comprendre que le cinéma est un art de l'apparition, on comprends alors l'expression "la magie du cinéma" qui prend tout son sens lors de cette séquence. Le film s'interroge donc sur le pouvoir et la force du cinéma ainsi que la place tenue par le spectateur.

"La Vierge, les Coptes et moi", s'interroge donc de différentes manières sur le cinéma, ainsi, le film se présente comme une véritable apologie de cet art, il est perçu comme l'image de la pensée, de part son caractère machinique, mais surtout comme un art au pouvoir infini. Du point de vue du spectateur, c'est un art de mouvement et le spectateur apparaît lui aussi comme une image autour de laquelle vont évoluer d'autres images sur la toile. Mais le cinéma est aussi perçu comme l'art de l'apparition. De part son désir de cinéma et son sens de la réalisation Namir Abdel Messeeh se pose la question de ce qu'est le cinéma et rend ainsi hommage au septième art.
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le 26 févr. 2013

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