En tant que moi-même Marseillais d'origine arménienne, je devrais probablement mieux connaître la filmographie de Guédiguian ; le fait est que La Villa n'est pourtant que le troisième de ses films que je vois (après Les Neiges du Kilimandjaro et Le Voyage en Arménie), et le premier que je découvre à sa sortie au cinéma. Peut-être que je sentais trop de proximité entre moi et Guédiguian pour m'intéresser à son oeuvre, comme si j'avais l'impression qu'il ne restait pas assez de place pour le cinéma, d'autant plus que j'avais l'idée d'une oeuvre modeste, familiale et revendicative. En réalité il s'agit bien de cinéma dans La Villa, et même du plus noble des cinémas, c'est-à-dire du cinéma classique américain ; à l'époque où les moyens étaient certes bien moindres que ceux d'aujourd'hui, où il y avait beaucoup moins de plans, beaucoup moins de décors, et en même temps beaucoup plus de vie et d'émotion. Aujourd'hui c'est le cinéma français "pauvre" qui a repris le flambeau, et dans La Villa pauvreté est plus que jamais synonyme de beauté. On a le sentiment de l'évidence devant ce film, comme si c'était le cinéma qu'on devrait voir à chaque fois qu'on entre dans une salle, et que pourtant on ne voit que si rarement. D'où la nostalgie qui habite ce film, d'où la menace de disparition qui plane sur lui, mais pourtant cette villa n'est pas une utopie, ce n'est pas quelque chose qui ne pourrait pas exister mais au contraire ce qui devrait exister, en tout cas c'est comme ça que Guédiguian nous la montre. Pourtant le monde va trop vite et il n'y a plus la place pour cette villa, elle est condamnée à disparaître comme celui qui l'a construite.
Mais il n'y a rien de morbide dans ce film ni de victimisation complaisante, Guédiguian célèbre la vie et ne juge aucun de ses personnages, et surtout pas celui d'Anaïs Demoustier, contrepoint aux autres, représentante du nouveau monde en marche, mais humaine elle aussi, et aimable même.
Je suis fier que Marseille ait vu naître un tel film.

Neumeister
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le 26 déc. 2017

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