Ma relation avec Hong Sangsoo avait du plomb dans l’aile depuis quelques années. Depuis Grass (2018), en fait. Jusque là j’essayais d’aller voir chacun de ses films en salle, depuis Woman on the beach (2008). Depuis dix ans, donc. Mais depuis je n’ai rien vu de lui. On n’était plus vraiment fait pour s’entendre, ce n’est pas grave. Je gardais toutefois la curiosité de croiser à nouveau son cinéma. C’est chose faite, avec La voyageuse.
Il s’agit de la troisième collaboration entre Hong Sangsoo et Isabelle Huppert après In another country (2012) et La caméra de Claire (2016). L’idée d’avoir une star française chez HSS m’avait déjà un peu gêné à l’époque. J’étais nettement plus sensible aux magnifiques interprètes de sa première partie de carrière. Mais ce qui me séduit c’est de voir combien Huppert s’est adapté au cinéma de Hong Sangsoo. Et pas l’inverse comme c’est souvent le cas avec les stars.
Hong Sangsoo n’a jamais été si épuré, dans le fond comme dans la forme. Un haïku de plus, au diapason de ces petites phrases en français qui ponctuent chaque conversation. Et pourtant c’est un geste très théorique, quasi eustachien, construit en trois rencontres, trois conversations, qui semblent répéter les motifs, le discours, les mots eux-mêmes. Huppert joue à côté. Très mal. La comédie et de la flûte. Mais c’est aussi pour appuyer son personnage, évanescent, qui déambule d’un décor à l’autre. Figure féerique, à la limite du fantastique notamment dans ce moment où elle semble avoir disparu plus vite que son ombre. Je n’ai pas marché, globalement. C’est beaucoup trop mal joué, mal éclairé, désincarné pour moi.
Mais certains moments m’ont plu. Comme le pétage de plombs de la mère du jeune coloc d’Huppert. Ou bien cette couleur dominante : Il y a le gilet vert d’Huppert. Et le scotch vert autour de son stylo. Et cette scène sur un toit, avec sa terrasse verte. J’ai aussi aimé l’utilisation du makgeolli – comme souvent l’alcool chez HSS. On dirait du lait mais c’est un alcool doux. Huppert s’en envoie deux bouteilles par jour, dedans, dit-elle.
Après, ça reste vraiment une toute petite chose complètement inconséquente qu’on oublie instantanément pour ne pas dire pendant le visionnage. Tout m’a semblé à la fois très improvisé et beaucoup trop fabriqué. Sensation étrange, à mettre au crédit ou non du film, selon l’humeur. Ça m’a toutefois donné très envie de me remettre sérieusement au cinéma de Hong Sang-Soo.