Dix ans se sont écoulés depuis le très particulier Under The Skin (auquel je devrais peut-être redonner une chance), et Jonathan Glazer consolide ses ambiances malsaines, dérangeantes, incrustées dans l'ordinaire en s'inspirant de la vie de famille d'un officier Nazi installé en périphérie des camps d'Auschwitz. Jamais la caméra ne basculera de l'autre côté du mur, ni n'affichera les horreurs qui s'y déroulent. Pour autant, elles se manifestent et glacent le sang à travers un sound design primordial au scénario. Malgré la participation de Mica Levi, toujours aussi marquante de ses plages aliénantes - à la fois terrifiantes et fascinantes - exclusivement présentes en encadrement du film, c'est surtout la représentation sonore du quotidien omniprésent pour ce couple allemand et ses enfants. Cela s'impose déjà par ce bourdonnement constant de machinerie, puis les échos des fours crématoires, des exécutions, les cris des victimes, les éructations des officiers, et les cendres qui s'éparpillent des fourneaux. Pour autant, ces familles vivent normalement, sans se préoccuper des atrocités qui ont lieu à quelques mètres ; leurs échanges sont superficiels (potager, loisirs des enfants,...). Glazer retranscrit habilement, à travers ses plans pesants, captés dans une lumière naturelle objective, cette banalisation du mal par des personnes qui estimaient simplement exécuter un travail. Le rythme est hypnotique, parfois un peu soporifique de l'absence de véritable focus ou de trame linéaire. S'il n'y a aucun parti pris glorificateur, ni misérabiliste, cela n'empêche pas l’œuvre de laisser un arrière-goût dévastateur par ce traitement si ordinaire.