Inspiration principale de Kill Bill, ce Chanbara est la parfaite illustration de la force de proposition du cinéma d’exploitation japonais. Film de vengeance par excellence, ce récit très simple est d’une richesse incroyable. À la fois bêtement et drôlement gore (le réalisateur reprend les codes du manga dont le film est tiré), il est aussi et surtout un poignant portrait de femme au destin forcément tragique. S’appuyant sur de nombreux éléments tournant le dos au réalisme par son choix des décors en studio, sa neige artificielle ou ses couleurs, l’ensemble est d’une folle poésie qui transcende à la fois ses personnages (qui sont tous l’incarnation d’une idée au sens platonicien du terme) et ses différents thèmes. Porté par la noire mélancolie de son sujet, l’exaltation de sa musique et de sa chanson principale (que Quentin Tarantino reprendra d’ailleurs), le résultat est une réussite aussi bien esthétique que narrative.


Les deux volets ne manquent pas d’originalité. Le film vise le beau, le récit l’efficacité. Découpé en chapitres, comme beaucoup de films japonais de cette période, accompagné d’une voix off qui donne un aspect légendaire à cette histoire, l’ensemble réussit souvent à imbriquer présent et passé dans une même séquence avec une force évidente. Cette histoire de vengeance n’en prend que plus de sens et la dimension fabuleuse de son héroïne n’en est que plus grande. Toshia Fujita joue admirablement des symboles faisant de son héroïne un personnage à la fois pur et d’une noirceur absolue rongé par son destin. Plus peut-être que d’autres « rape and revenge », Lady Snowblood réussit à aller au-delà de son simple récit pour incarner à lui seul le genre qu’il représente tout en empruntant certains motifs qu’on retrouve, au hasard, dans le western européen, à grands renforts de zooms et de sentiments totalement exacerbés.


Limpide, simple, jamais simpliste à l’image de ses personnages qui ne sont pas là pour être seulement transpercés de part en part, voilà une proposition vraiment enthousiasmante. Tout en incarnant des archétypes, les différents protagonistes ont de véritables nuances à défendre et il paraît évident que l’ange exterminateur dont les tenues blanches se retrouvent régulièrement maculées de sang porte en elle un côté démoniaque aussi fascinant qu’effrayant. Ou comment un sujet universel, qui a donné des centaines de films dans tous les coins du monde, parvient à incarner parfaitement cette universalité tout en étant typiquement un objet japonais. Une très belle réussite qui reste longtemps collée à la rétine.


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le 25 sept. 2025

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