Compte tenu de son succès médiatique sans précédent dans le monde du jeu vidéo, une adaptation sur grand écran de la série Tomb Raider était inévitable. Un projet longtemps ruminé (près de 3 ans), préparé avec autant d'attention que l'exige un tel budget (80 M$) et entouré de suffisamment de mystère pour susciter l'intérêt du plus grand nombre. Ainsi, c'est au dernier moment que le scénario et, surtout, le nom de l'actrice qui allait incarner la plus célèbre des héroïnes virtuelles ont été dévoilés.

Pour l'histoire, on pourrait croire qu'il serait inutile de s'y attarder, mais le scénario du film est finalement très présentable, presque trop par rapport à la manière dont il a été traité. Les Illuminati, une organisation secrète forcément avide de puissance, convoitent un objet sacré très ancien qui donnerait à son propriétaire le pouvoir de contrôler le temps et l'espace. Lara Croft, photo reporter en mal de sensations fortes, va bien sûr contrecarrer leur projet car l'avenir du monde en dépend, un peu, mais sa thérapie personnelle pour oublier son défunt père aussi, beaucoup.

Prétexte pour nous emmener dans des endroits exotiques (Cambodge, Sibérie, Venise), l'histoire se déroule sans trop d'anicroches, avec une fluidité sympathique et quasiment dépourvue d'incohérences... si tant est qu'on parte du fameux postulat suivant, principe indispensable pour profiter de n'importe quel film d'action : "C'est du gros grand spectacle donc je ferme les yeux sur les raccourcis et les zones d'ombre du scénario". En fait, tout est suffisamment explicite pour ne pas perdre même les plus lents en route. Et si Lara Croft possède une capacité déconcertante à résoudre des énigmes alambiquées, on se dit que ça doit être pour respecter les contraintes horaires.

Des scènes d'action, il y en a beaucoup dans Tomb Raider. Quelques-unes d'entre elles sont même plutôt inventives (le saut à l'élastique de salon pourrait facilement devenir culte). Boostées par des décors impeccables et une musique tonitruante, elles ne souffrent d'ailleurs pas une seconde de l'inévitable comparaison avec celles d'un Indiana Jones ou d'un James Bond. Le problème vient avant tout du montage épileptique de Simon West, le réalisateur. Tout est trop rapide et à trop vouloir dynamiser la mise en scène de séquences à elles seules déjà très "bondissantes", on obtient une succession d'images difficilement digérables.

Pour le rôle tant convoité de Lara Croft, c'est Angelina Jolie qui s'y colle. Et techniquement, on peut dire que ça colle très bien : ressemblance physique évidente, même galipettes, même attitudes, maniement impeccable des armes, conduite musclée de nombreux véhicules... Pas de doute : Angelina est Croft. A tel point qu'elle en oublie d'être Jolie, à savoir, cette actrice oscarisée capable de faire passer bon nombre d'émotions dans son jeu, de faire tout simplement son métier. Ici, rien de tout ça. Jolie a beau être belle, très impressionnante dans les scènes d'actions, et aussi presque drôle dans sa légèreté (elle prend toutes les catastrophes avec le sourire), on ne parvient pas un instant à s'attacher à son personnage.

A côté de cette surexposition de l'héroïne principale, les autres protagonistes de cette histoire auraient pu manquer de relief mais, à ce niveau, le film s'en sort plutôt bien. Ian Glen, par exemple, qui incarne le méchant Powell, apporte assez de charisme à son personnage pour faire contrepoids avec Angelina Jolie. Les deux acolytes de l'aventurière (Noah Taylor et Leslie Philips), loin d'être de simples faire-valoir, parviennent souvent à redynamiser les dialogues en leur donnant plus de mordant. L'idée de faire intervenir un enfant pour guider Lara dans sa quête donne aussi un peu plus de corps, voir de spiritualité, à l'histoire. Mais le gros problème du film, outre sa mise en scène minimale, c'est son manque d'humanité. On ne croit pas une minute à la pseudo histoire d'amour entre Lara et Alex. Le trauma causé par le décès de son père ne colle pas avec la légèreté qu'elle affiche constamment.

Au final, Tomb Raider c'est une multitude de bonnes idées de départ (originales ou empruntées et exploitées à bon escient) plombées par une mise en scène sans saveur car juste efficace. C'est une sous-utilisation évidente des capacités artistiques d'Angelina Jolie (si au début ses mimiques peuvent énerver, elles deviennent rapidement délirantes). C'est une adaptation cinématographique d'un jeu vidéo qui a un peu de mal à complètement adopter les contraintes de ce nouveau support intransigeant. Là où l'interactivité de l'un devait être compensée par la profondeur de l'autre, on était en droit d'en attendre plus, notamment dans la complexité des personnages. Cela dit, le film reste tout à fait regardable. Impressionnant, léger, parfois drôle, considérons ce Tomb Raider comme un coup d'essai divertissant qui demande confirmation. Gageons qu'avec un autre réalisateur, l'exercice aurait été bien meilleur.
Auk
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le 1 janv. 2011

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