Last Days
6.1
Last Days

Film de Gus Van Sant (2005)

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You know you're right, Mr Van Sant

Un bel hommage à Kurt Cobain. La première fois que je l'ai vu, je n'ai pas du tout aimé, puis je me suis dit : "Pourquoi pas me le repasser" et c'est alors qu'avec plus d'attention j'y ai vu un film bien travaillé, d'un grand intérêt poétique et psychologique.

Le film est certes très lent, mais il n'est pas à considérer comme un récit au sens traditionnel ; pas vraiment d'intrigue. Si nous devions transposer ce film en Littérature, il s'agirait davantage de poésie que de théâtre. Le ton y est contemplatif.
Peu de dialogues, ou du moins des dialogues plats et de second plan. Van Sant s'efforce à nous maintenir loin du sujet, à nous laisser notre recul tout en nous incitant à nous identifier à Blake. Celui-ci prend ainsi les traits d'un être sensible et clairvoyant, un marginal avec un regard critique et détaché sur le monde, déjà plus proche de la mort que de la vie.

"Si les portes de la perception étaient nettoyées, chaque chose apparaîtrait à l'homme comme elle est, infinie." ("If the doors of perception were cleansed everything would appear to man as it is, infinite."), disait William Blake dans le Mariage du ciel et de l'Enfer (je vous conseille l'édition bilingue Payot et Rivages, 2010, c'est à la page 126-127), formule ayant inspiré Aldous Huxley pour son livre Les Portes de la perception (Editions du Rocher, 10/18, 1954), livre ayant lui-même inspiré Jim Morrison pour le non de son groupe : The Doors. Le choix du prénom Blake n'est pas anodin : notre personnage se détache du monde matériel pour plus de clairvoyance. Il est dans une sorte de transe, bien figurée par l'utilisation de la chanson Venus In Furs du Velvet Underground. C'est en partie à cela que l'on reconnait les génies.

Blake transcende la vie, Van Sant transcende la fiction. Ce dernier nous appelle à rester spectateur et à contempler le monde comme le fait Blake qui résiste à la fiction, qui s'y intègre peu. Il n'interagit pas ou très peu avec son environnement et reste passif comme nous pouvons l'être. Van Sant use d'un procédé efficace pour nous dévoiler la dépression, et surtout l'ennui, le désintérêt pour les choses du monde, et par là-même le génie de Kurt Cobain devenu un mythe réactualisé dans le personnage de Blake.


D'un point de vue plus concret, le film possède un bon nombre de références à Kurt Cobain intéressantes à relever. Pensons aux fameuses lunettes de soleil, à la robe noire portée lors d'un concert ou encore au fusil qui fut l'instrument de son suicide (si nous considérons sa mort de façon officielle, en-dehors de toute polémique). La scène où Blake joue seul de la guitare, le fameux morceau intitulé Death to Birth de Pagoda, groupe mené par l'acteur, est éblouissante et remplie d'émotion. C'était ça la musique de Nirvana, de l'émotion passée à l'état pur, en évitant toutes fioritures. Cette scène réconcilie d'ailleurs d'un coup notre héros avec sa réalité, filmé par là-même de loin, il fait du bruit (dans un sens non-péjoratif), on entend sa voix de plus en plus forte, il impose sa trace au monde qui l'entoure. On comprend bien vite le sens de tout cela : l'art est vital pour Blake, il lui permet d'appréhender le monde, et cela valait aussi pour Kurt Cobain.


En somme un film qui nous laisse voir des vérités sur le monde et qui essaie de comprendre la mort de Cobain, et plus largement, le pourquoi du suicide, le pourquoi de l'art, le pourquoi de la vie. Seul défaut : l'ennui de Blake transpire sur le spectateur qui s'ennuie tout de même par moment. Mais c'est un défaut qui n'en est pas un, car c'est dire que l'effet est en quelque sorte réussi. Oui, ennuyer le spectateur peut-être un acte intéressant mais pas en tant que tel, pas gratuitement. Ce film n'est pas juste ennuyeux, il est marquant.

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le 5 avr. 2011

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King-Jo

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