Troisième film de Linklater que je vois, troisième réussite. Après les excellents Boyhood et Scanner Darkly, il nous plonge cette fois-ci dans un trip psychologique basé sur les retrouvailles 30 ans après de 3 marines ayant servi ensemble au Vietnam. Retrouvailles fondées sur l'enterrement du fils de l'un d'eux, marine également, mort en Afghanistan. Avec un casting de choc, ce film ne déçoit pas et excelle dans son essence, qui n'est autre que les dialogues, les relations entre les personnages et leur évolution au cours de ces 2h de film.


En effet, on note très peu de scènes "illustrations" dans ce film, il est uniquement centré sur les personnages, leurs retrouvailles et leur parcours ensemble. La réalisation n'est pas forcément marquante, malgré quelques très belles scènes, mais l'image pour le coup est au top, à travers des plans bien pensés et plein de sens. La musique accompagne parfaitement le tout, renforçant les émotions déjà transmises par des acteurs bien dirigés et ayant bien compris leurs personnages.


C'est le point fort du film, les personnages. 3 anciens marines, 3 profils complètement différents, 1 expérience de vie commune. "Doc" semble être entouré de deux opposés, son ange (Laurence Fishburne) sur son épaule gauche et son démon (Bryan Cranston) sur son épaule droite, lui-même étant effondré et plus que l'ombre de lui-même au début du film, le tout finissant par fusionner au fil de l'histoire, leur temps passé ensemble au Vietnam les rapprochant inexorablement vers une pensée commune : l'absurdité de la guerre et la fausseté de leur gouvernement. C'est en effet le moment pour ces 3 gaillards de mettre à jour leur point de vue, avec du recul, sur leurs expériences et sur le comment du pourquoi. Le côté cynique et pessimiste ressort clairement, et l'on constate 3 manières qu'ils ont adoptés en retrouvant la vie normale, l'un fonde une famille, un autre se consacre à Dieu et le dernier se plonge dans l'alcool. Mais au final, ils se rendent compte qu'ils ne sont pas si différents malgré tout, et que le malheur de l'un les réunit finalement tous ensemble, dans un esprit de solidarité et de fraternité, comme "au bon vieux temps" comme dirait Cranston. Leur évolution tout au long du film le rend incroyable, en partant de situations gênantes face aux différences de cultures et de vies, en passant par des éclats de rire et de discussions enjouées, pour finir sur une scène extrêmement touchante, lors de l'enterrement, de solennité et de respect mutuel entre eux. Leur parcours mental en dit long sur ce que ces hommes ont vécu ensemble, et qui permet d'outrepasser les différences et les conflits. Un lien a été crée, un lien que Doc a justement eu besoin de ressusciter lorsqu'il était au fond du gouffre, un lien qui toutes ces années ne s'était pas éteint mais attendait patiemment d'être retrouvé, car tous, à un moment dans leur vie, auraient eu besoin de ce lien, de ce qu'il apporte. Ce qu'il n'avait pas eu l'occasion de finir au Vietnam est finalement complété ici, et tous comprennent qu'ils avaient besoin les uns des autres dans leur vie pour pouvoir passer à autre chose, oubliez les souffrances de la guerre et les erreurs commises. Chose qui est d'ailleurs représentée dans la scène où ils vont voir la mère de l'un de leur camarade tombé au combat au Vietnam par leur faute, et où l'oscillation entre avouer la vérité et laisser le mensonge établi par le gouvernement enfoncer ses racines pour conforter une vieille dame refait surface. En effet, précédemment dans le film, Cranston décide de ne pas laisser Doc dans l'ignorance et lui avoue que son fils n'est pas mort en héro, mais dans une situation banale où celui-ci a été pris par surprise. Il considère à ce moment là la vérité comme seul moyen d'aider son ami. Mais à la vue de cette vieille dame sans espoir, se raccrochant à l'idée de son fils mort en héro, les 3 se taisent et décident de laisser le mensonge faire son travail bienfaiteur. Ces moments soulèvent une question fondamentale, le mensonge surpasse-t-il la réalité s'il offre un certain réconfort, là où la vérité n'apporterai que peine et souffrance ?


Ce film m'a émut. La manière dont il est exploité le rend profond, vrai, authentique. On ressent la présence du Vietnam sans le voir une seule seconde à l'écran.
7/10

SwanStation
7
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le 24 janv. 2018

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Swan Station

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