Le Baron de Crac
7.7
Le Baron de Crac

Film de Karel Zeman (1962)

Première adaptation officielle de la légende du baron de Munchausen, le baron de Crac est avant tout un prodige visuel, un véritable OFNI du cinéma réunissant toutes les obsessions esthétiques de son réalisateur, qui se sert des techniques relativement avancées des années 60 pour doper les trucages visuels de début du siècles utilisés pour les grandes oeuvres de Méliès... Résultat : l'intégralité des décors sont en carton dessiné ou imprimé, animé par de sobre effets de mouvement pour créer perspectives et gigantisme, dépaysement et exotisme pour un projet qu'on devine quasi intégralement tourné en studio, véritable bonheur pour l'amateur de curiosité. Il suffit de voir la séquence dans le palais du sultan pour tomber amoureux de ce projet aux allures de gravure cinéphile, qui trouve dans son charme rétro une véritable énergie kitsch à même de le rendre sympathique. Seule sa piste musicale se révèle un poil datée, mais qu'importe, elle fonctionne dans ce petit air à l'ancienne.


Techniquement, le film (tourné visiblement sur pellicule) utilise les techniques modernes pour gérer les teintes et les couleurs avec de réguliers élans expérimentaux. Si la technique de teinte permettait de faire varier les ambiances, jamais plusieurs couleurs n'avaient encore été associées (à moins de parler des pellicules peintes, un peu baveuses). Ici, tout cohabite parfaitement, et on se retrouve ébloui par plusieurs séquences virtuoses (un travelling dans le palais du sultan, une bataille navale sous un soleil de sang, les séquences abondent...) dont l'audace graphique est manifeste. La nuée rouge reste un des passages les plus marquants, utilisant des teintes bicolores constituées de flots de liquide de couleur envahissant peu à peu les images de ville désertée par une population en panique.


Enfin, c'est l'esprit du film qui achève de convaincre le spectateur. Si l'adaptation de Gilliam fait partie de mon top 10 personnel, il n'a inventé que peu de choses, car tout cet univers est déjà présent ici ! Les mécanismes sadiques du sultan, les créatures fantastiques absolument disproportionnées, l'ironie enfantine (l'issue de la bataille navale), et enfin ce côté trompe la mort vaillant tout imprégné d'humour qui fait la noblesse du Baron. Un véritable homme du monde capable de se rendre sur la lune par accident, de chevaucher un boulet de canon (très belle séquence) et de faire le tour du monde dans le ventre d'une baleine avec le sourire et un brin de galanterie. Des univers pareils nous manquent aujourd'hui, et Le baron de Crac est une véritable ode à l'imagination. Le fait qu'il s'amuse des sciences dès son introduction (en rendant hommage à Jules Vernes et en montrant nos héros d'aventure (dont Cyrano de Bergerac) accueillant avec tous les honneurs le premier homme venu en fusée montre combien son ancrage dans la nostalgie se veut communicative et sincère. Le dernier plan du film est une invitation directe à plonger dans l'infini et à se laisser bercer dans les aventures, de se laisser dériver dans notre imagination comme ce chapeau dans les étoiles, flottant à jamais au firmament. Curieux que ce film ne soit pas davantage reconnu, il a la puissance d'un classique !

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le 2 oct. 2015

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Voracinéphile

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