Si l'on en croit Bernard Blier, le film a été réalisé par Henri Decoin, qui ne pouvait pas le signer, mis sur la touche à la Libération. Rendons donc à Decoin, qualifié de superviseur au générique, le navet qui lui appartient.
Ils étaient bistrotiers en province, Julien et Louise sont maintenant les nouveaux propriétaires du Café du Cadran à Paris. Dans le décor unique du bistrot, c'est à présent un défilé d'habitués, un peu poivrots, un peu franchouillards, volontiers cabots et très caricaturaux, qui dévoilent quelques bribes d'existence insignifiantes. Ce sont des personnages sans talent, un décor populaire sans rien d'authentique. C'est du pittoresque parigot sans saveur et sans l'appui d'un dialoguiste de talent, la pensée la plus impertinente étant "Il faut toujours écouter son mari"...
Bernard Blier et Blanchette Brunoy n'échappent pas aux gros traits, gentil couple au début et, très vite, sans que ce soit la volonté du cinéaste, petits commerçants au sens péjoratif du terme, avec notamment cette épouse invariablement derrière sa caisse et son mari qui l'invective. Il faut dire que la timide Louise, sans crier gare, est devenue coquette et dépensière. L'argument scénaristique est balourd et simpliste. Il détermine en partie un film dont la fantaisie initiale se délite insensiblement. Jusqu'au drame ? En tout cas, le dénouement n'est pas loin d'être stupide, excessif et mal fichu.
On est en 1947 mais il plane sur le film un moralisme qui fleure encore le cinéma de l'Occupation, par la stigmatisation de quelques attitudes égoïstes et de mauvais Français.