Avec une mise en scène minimaliste - caméra pixelisée à fond - mais des plans intelligents et quelques questions simples auxquelles le réalisateur répond par morceaux via des expressions faciales des interlocuteurs appuyées au zoom, ce film dévoile à travers le simple exemple du Lac Victoria en Tanzanie le mécanisme à l'oeuvre dans l'ensemble du monde qui enrichit une poignée et TUE l'autre.Il n'y a pas d'appauvrissement sans meurtre devant les limites de la nature.


Le Lac Victoria est en tout cas le lieu d'un sombre trafic. Des avions européens d'une compagnie low cost russe chargent en Tanzanie des filets de Perche, le gros poisson qui a colonisé le lac et détruit sa biodiversité depuis son introduction par un explorateur inconscient, qu'ils ramènent en Europe où il finit dans la bouche de 2 millions d'Européens par jour (au mieux, sinon comme chacun-e sait: à la poubelle). Tous les problèmes découlent de ce circuit commercial.
De ce dernier, on apprend ensuite qu'il implique aussi du trafic d'armes depuis l'Europe de l'Ouest; C'est de là que partent les avions pour l'Afrique, et non directement de Russie.
La famine plonge la population dans une extrême pauvreté. Les gens s'empoisonnent alors avec la seule nourriture qui reste: les carcasses des poissons que rejette l'entreprise exploitant les pêcheurs de perches du lac. Ces carcasses sont nettoyées des vers qui les rongent à l’ammoniac.
Rien n'en est perdu, car les nombreux enfants qui errent dans les rues le réutilisent: ils l'inhalent pour s'autoriser une demi-journée de sommeil durant laquelle ils ne sentiront plus ni la crainte d'être volés, ni la faim. Ils l'utilisent aussi pour ne pas avoir mal lorsqu'ils se prostituent, filles et garçons confondus, pour gagner de quoi vivre.
Ces enfants errent dans les rues parce que leurs parents sont morts dans des conflits armés, ou du sida qui fait des ravages faute d'accessibilité des préservatifs pour la majeur partie de la population, ou encore des conflits d'intérêts entre pêcheurs indépendants et gardiens des centres de recherches des grosses industries de transformation du poisson.


Ainsi, à travers une étude de cas très locale, le film analyse les rouages d'un désordre global. Des rouages simples, quelques acteurs très destructeurs, des milliers de victimes anonymes.

MisterSirDude
10
Écrit par

Créée

le 24 oct. 2017

Critique lue 392 fois

MisterSirDude

Écrit par

Critique lue 392 fois

D'autres avis sur Le Cauchemar de Darwin

Le Cauchemar de Darwin
Suzy_Le
4

Le film qui se prenait pour un documentaire

Au premier visionnage, ce film m'a plu, notamment parce que j'appréciais le fait que le réalisateur laisse la parole aux personnes interrogées et ne superpose pas une voix off qui nous imposerait son...

le 25 oct. 2017

15 j'aime

4

Le Cauchemar de Darwin
Anyo
8

Est-ce que ce monde est sérieux ?

Bienvenue en Tanzanie et plus précisement à Mwanza sur les bords du lac Victoria. Vous découvrirez son aéroport et son UNIQUE contrôleur aérien qui, soit dit en passant, n'a pas de radio en état de...

Par

le 27 juin 2011

15 j'aime

Le Cauchemar de Darwin
cinewater
4

Critique de Le Cauchemar de Darwin par Ciné Water

Je n'aime pas trop les menteurs et les fils de pute. J'ai vu ce film pour la première fois il y a deux ou trois ans. Je me souviens à l'époque avoir grandement aimé, aimé est un bien grand mot tant...

le 15 août 2011

10 j'aime

8

Du même critique

Un jour sur Terre
MisterSirDude
9

Le meilleur de son genre

Un 9 parce qu'"Un jour sur terre" est le meilleur film de son genre: un documentaire écolo qui séduit par sa beauté; le pari suggéré par le titre est tenu: observez la diversité des écosystèmes tel...

le 1 déc. 2014

3 j'aime

Turner & Hooch
MisterSirDude
7

Une film sympa, ni plus ni moins

Un film sympa qui est illuminé par Tom hanks en cop complètement maniaque et le dogue de bordeau qui refait la déco en secouant ses grosses babines. La fin particulièrement touchante est le summum de...

le 1 déc. 2014

2 j'aime

1