Toujours intéressant de revoir un film 40 ans presque jour pour jour après l'avoir vu la première fois. Mais stressant aussi, si c'est un film qu'on a adoré. Là, je ne prenais pas trop de risques, parce que je n'en avais gardé aucun souvenir... à part la fin, qui m'a fait bondir de mon canapé. "Ah, oui, j'me souviens d'ça ! C'était trop cool, cette poussière grise qui s'envole !"
A l'époque, ça m'a bien plu. Je consommais du film en quantité à coups de ciné de minuit et je découvrais Bram Stoker, Edgar Poe... Le grand monsieur au visage bizarre avec sa cape très chic me convenait bien. Le problème, c'est qu'ensuite, "Dracula" de Coppola et "Entretien avec un Vampire" sont passés par-là (vus en salle) et ils m'ont mis une claque (je leur ai pardonné). Et je suis restée avec cette image de vampire plus fantastique et bestiale associée à des décors très sombres et menaçants.
Ce qui me gêne un peu dans ces films de la Hammer, particulièrement pour ceux qui concernent Dracula, c'est d'abord une chose toute bête, mais ô combien importante : il y a trop de lumière. Dès le début du film, j'avais envie de souffler sur quelques bougies. Quand le comte fait entrer Harker dans sa chambre, il y a une misérable bougie au premier plan et la chambre est abondamment éclairée. Pas un petit coin de pénombre. Le réalisateur était sûrement très fier de nous montrer ses beaux décors, mais je n'imagine pas le château de Dracula autrement que chichement éclairé, désolée.
Christopher Lee est un comte Dracula tendance "Monsieur de Fursac", séduisant mais un peu froid et raide, ce qui convient bien pour l'approche légèrement érotique du vampirisme du film. Légèrement érotique, parce que ça se borne aux regards fascinés des femmes qui l'attendent avec impatience et terreur dans leur lit. Les dames semblent plus attirées par le physique et les grandes dents du monsieur que par ce qu'il va leur faire. La scène est coupée avant le début de la succion proprement dite, trop triviale sans doute. Poser sa bouche sur le cou d'une dame était suffisant à cette époque, l'imagination faisait le reste. On est loin des envolées bestiales et érotiques du Coppola !
Le Dracula de Christopher Lee n'a rien à voir avec les Nosferatu effrayants de Murnau et Herzog, ni avec le Dracula multiforme de Coppola. Il garde son physique de gentleman et ne présente aucun aspect animal (à part ses dents). C'est ce qui me manque un peu : quelque chose de déviant dans les gestes, le regard. C'est un Dracula trop civilisé et lisse.
Pareil pour le film. En tant que film de la Hammer, le film est délicieux, confortable, luxueux, très léché; les couleurs, les décors et les costumes sont très beaux, les acteurs sont tous parfaits. Mais en tant qu'adaptation de Stoker, ça manque d'ambiguïté, d'ombre, d'animalité.