A la sortie de son deuxième film, Dario Argento avait défini son propre style, mais celui-ci était encore jeune et parfois hésitant. De ce fait, Le Chat à neuf queues présente quelques lourdeurs mais il n'en est pas moins intéressant.
L'histoire s'inscrit dans la lignée des grands giallo et suit les aventures d'un journaliste qui cherche à démasquer le responsable d'une série de meurtre. Bien que le déroulement de l'enquête soit relativement simple, le cinéaste fait en sorte que le spectateur se prête au jeu du whodunnit en faisant tomber les soupçons sur plusieurs personnages clés. Ces incertitudes restent un peu trop molles pour qu'on sente véritablement le danger planer au dessus du héros, mais le doute s'installe parfois suffisamment pour créer une tension très hitchcockienne (le passage dans le caveau par exemple).
En outre, ce sont principalement les apparitions du tueur qui rendront l'ensemble dynamique. Le réalisateur le fait intervenir grâce à une vue à la première personne. Ce procédé est vu et revu, mais il prend ici toute sa force grâce à la mise en scène, et plus particulièrement aux décors. Ces derniers sont rendus abstraits par les mouvements de caméra. Lors d'un seul plan long, l'appareil panote, recule et avance, tout en filmant l’obscurité pendant de longues secondes, ce qui brouille totalement les repères spatiaux. De plus, le montage brutal prend souvent le spectateur par surprise lors des changements de scène. L'apparition soudaine d'un gros plan sur l’œil du tueur avec en fond le bruit d'un appareil photo est saisissante, et en dit long sur la pulsion scopique du personnage. Argento n'a rien laissé au hasard.
Il est donc regrettable que ces qualités soient ternies par le fait que le film termine sa course à bout de souffle. Les vingt dernières minutes prennent trop de temps pour conclure l'enquête, c'est un peu indigeste. Le Chat à neuf queues reste quand même de bonne facture et est plutôt accessible, pour peu que le côté production italienne fauchée et kitsch ne vous fasse pas peur.