Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Le Château dans le ciel s’ouvre sur une séquence dynamique à bord d’une forteresse volante, où s’affrontent déjà les principaux protagonistes : une bande de pirates hauts en couleur, Muska, agent des services secrets, et Sheeta, une jeune fille retenue prisonnière. Ces personnages incarnent trois attitudes qui se révéleront tout au long du récit : la cupidité des pirates, la soif de pouvoir de Muska et l’innocence mystérieuse de Sheeta.


Comme dans tous les films de Miyazaki, Le Château dans le ciel est traversé par un riche tissu de symboles et d’archétypes universels, qui donnent à l’histoire sa résonance profonde et intemporelle.


Sheeta tombe littéralement du ciel, mais sa chute est douce, presque féérique, ralentie par une pierre lumineuse qu’elle porte autour du cou. Pazu, un jeune garçon qui travaille dans une cité minière, la voit tomber et la recueille. Ensemble, ils forment un duo central profondément attachant, à la fois fragile et courageux.


Sheeta ne sait pas qui elle est : elle cherche son identité. Pazu, lui, poursuit le rêve de son père, qui aurait entrevu un jour un mystérieux château volant, sans jamais être cru. Ces deux quêtes vont se croiser et se nourrir l’une l’autre.


Dans leur aventure, ils croiseront d’abord l’oncle Pom, un vieil homme étrange aux pupilles minuscules — marque récurrente chez Miyazaki des personnages qui voient au-delà des apparences. Pom vit au cœur d’une grotte et affirme entendre les pierres. Il devient pour les enfants une figure de transmission, dépositaire d’un savoir minéral, oublié par le monde moderne.


Ils croiseront aussi les pirates, d’abord motivés par leur propre intérêt, mais qui finiront par s’attacher aux enfants. Leur cheffe, Dora, est un personnage savoureux : ses longues nattes rigides comme des antennes lui donnent un air sévère, presque caricatural. Mais peu à peu, son humanité affleure. On devine qu’en elle sommeille encore la petite fille qu’elle a été, et que la rencontre avec Sheeta ravive. Au contact des deux enfants, elle redevient plus tendre, plus protectrice.


Le sommet du récit se joue lors de l’arrivée au château volant, Laputa. L’approche du château se fait à travers un vent inversé, signe que l’on entre dans un autre monde, régi par des lois différentes. Là, tout est silence, puis musique douce. Les machines ne sont plus agressives : les robots jardiniers prennent soin de la nature. Les enfants, portés par la beauté du lieu, explosent de joie, rient, dansent. Tout ici respire la vie, la liberté, la légèreté.


Mais Laputa cache aussi une face obscure : son cœur, un cristal gravitationnel, détient un immense pouvoir. Il peut faire voler le château… mais aussi détruire des villes entières. Laputa contient donc à la fois la vie (dans ses jardins suspendus) et la mort (dans les entrailles du pouvoir).


Ce sont Sheeta et Pazu, les enfants, qui choisiront de renoncer à la puissance : ils détruisent le cristal. En rompant avec la logique de domination, ils empêchent Muska d’assouvir sa soif de contrôle. Le château est alors libéré : il se dépouille de ses armes, s’élève doucement dans le ciel, comme un monde purifié. Les enfants, eux, redescendent sur terre, transformés, porteurs d’une sagesse acquise au fil de leur traversée.


Le Château dans le ciel est le film préféré de Hayao Miyazaki. Il est aussi le premier produit officiellement par le studio Ghibli, qu’il venait de co-fonder. Pour lui, ce film est une œuvre libre, sans compromis : il y déploie son univers dans toute sa richesse — visuelle, sonore, narrative — sans influence extérieure. C’est aussi l’un de ses films les plus limpides, les plus joyeux. Sheeta et Pazu incarnent la tendresse, le courage et la fidélité du cœur. À travers eux, Miyazaki exprime son amour profond pour l’enfance comme réserve d’authenticité et d’élan vital.


Avec ce film, il interroge la violence, la cupidité, le désir de toute-puissance… mais sans jamais céder au pessimisme. Le souffle du vent, la légèreté des corps, la joie finale des enfants — tout cela donne au film une grâce rare.


J’ai pu faire ce film avec tout ce que j’aime, et sans compromis. J’aime l’histoire, les personnages, l’aventure. Tout est là, dans ce film. » (Miyazaki, entretien, 1995)

Créée

le 27 juin 2025

Critique lue 31 fois

11 j'aime

10 commentaires

abscondita

Écrit par

Critique lue 31 fois

11
10

D'autres avis sur Le Château dans le ciel

Le Château dans le ciel
Torpenn
8

Boule de Swift

Après avoir bouffé sa dose de vache enragée, Miyazaki connait avec Nausicaä un succès retentissant tant en version papier que dans son adaptation au cinéma. A une époque qui privilégie télévision et...

le 6 nov. 2012

158 j'aime

20

Le Château dans le ciel
DjeeVanCleef
9

Laputa.

Décidant d'établir un semblant de culture cinéma chez une naine que je connais - à grands coups de Rabbi Jacob, de Cirque et de quelques Burton, Tim pour commencer, on verra pour jack plus tard - je...

le 18 mai 2013

110 j'aime

22

Le Château dans le ciel
Sergent_Pepper
8

Itinéraire de délestage

Le troisième long métrage de Miyazaki, découvert sur le tard en France grâce au succès de ses chefs d’œuvres à l’aube des années 2000, a dû surprendre les nouveaux amateurs. A priori bien plus...

le 31 mai 2015

97 j'aime

3

Du même critique

La Leçon de piano
abscondita
3

Histoire d'un chantage sexuel ...

J’ai du mal à comprendre comment ce film peut être si bien noté et a pu recevoir autant de récompenses ! C’est assez rare, mais dans ce cas précis je me trouve décalée par rapport à la majorité...

le 12 janv. 2021

74 j'aime

22

Le Comte de Monte-Cristo
abscondita
9

"Je suis le bras armé de la sourde et aveugle fatalité"

Le Comte de Monte Cristo est une histoire intemporelle et universelle qui traverse les âges sans rien perdre de sa force. Cette histoire d’Alexandre Dumas a déjà été portée plusieurs fois à l'écran...

le 30 juin 2024

61 j'aime

14

Blade Runner
abscondita
10

« Time to die »

Blade Runner, c’est d’abord un chef d’œuvre visuel renforcé par l’accompagnement musical mélancolique du regretté Vangelis, les sons lancinants et les moments de pur silence. C’est une œuvre qui se...

le 15 janv. 2024

34 j'aime

21