Le Château dans le ciel
7.9
Le Château dans le ciel

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1986)

Quand j'ai vu ce film, j'étais au collège. Une bien triste période où l'on ne brille pas par sa tolérance et où tout ce qui fait "gaamin" est rejeté. Étant fan des licences Nintendo je subissais déjà quelques brimades à ce sujet ("Mario c'est pour les gaamins, GTA ça c'est maature"). J'étais donc bien content d'avoir une tête de turc commune avec les "copains" pour détourner les moqueries : les mangas et la japanimation. Je n'y connaissais rien puisque je n'avais rien lu, mais je savais sans doute possible que c'était pour les gaamins. Lorsque mes parents ont proposé qu'on regarde Le Château dans le Ciel, je me suis dit que ce serait forcément nul, que je pourrai critiquer les éloges faites sur ce film et que j'allais le voir pour ensuite le casser auprès des copains paske c'est trop pas un truc maature. Un garçon charmant à une période charmante. Je m'assied donc et je regarde.


L'introduction me met en confiance : le film a un côté légèrement vieillot dû à son âge et les dialogues sont enfantins. "Maman, j'vais tombeeeer !" : voilà qui me permettra de dire que c'est pour les mômes. Vient un générique magnifique que je snobe, bien enfoncé dans mes préjugés. On rencontre Pazuu, il découvre Sheeta qui tombe du ciel, un gag arrive à me faire rire. Il m'a pris par surprise le con. Puis c'est assez guimauve, des gosses se mettent à faire connaissance en riant bêtement pour pas grand chose. Je sens que je vais pouvoir dire à quel point ce film est chiant. Et là, le miracle vint.


L'action démarre pour de bon et... et... je me marre. Pas parce que c'est risible, c'est juste drôle. Et puis c'est dynamique. Et puis c'est hyper prenant en fait. Diantre, mais... se pourrait-il que je prenne du plaisir devant ce film ? Que je me mette à encourager ces personnages que j'insultais peu de temps avant ? Puis la scène d'action se termine, on a droit à quelques scènes contemplatives, voire larmoyantes. Je peux à nouveau dire que "c'est trop naaze", mais cette fois je suis intéressé. Et puis l'action redémarre avec une scène qui m'a marqué. L'intensité est énorme, la musique met en avant l'aspect incroyable de ce passage, mon esprit se met à surévaluer la scène pour en faire quelque chose d'encore plus impressionnant que ce qu'elle est forcément. Puis la scène se termine mais quelque chose a changé : la scène qui suit n'est pas chiante. Elle est drôle. Et même que je me met à aimer ce film. Je n'ai plus envie de le casser. Et pourtant ma motivation était tellement forte de le prendre pour une "merde pour gosse", je faisais tout ce qui était en mon pouvoir pour ne pas prendre ces personnages au sérieux et pour chercher tout ce qui pouvait être nul. Normalement quand on se met dans cette situation, on ne laisse aucune chance au film et on reste fermé pour toujours, impossible à convaincre. Je ne comprends toujours pas comment celui là a réussi ce tour de force, c'est le seul à avoir vaincu mes préjugés. Et pourtant j'étais sacrément con.


Le film se poursuit, on arrive enfin au château. Ça redevient contemplatif, mais cette fois je trouve ça beau. Puis l'action s'enchaîne et culmine au finale le plus marquant que j'ai vu. "Ouah, mais comment il va s'en sortir le gentil ?". Il va tout donner. Il ne va jamais profiter d'un Deus Ex Machina idiot, il va se lancer dans les acrobaties les plus risquées, il va se mettre dans des situations impossibles et il va défier un méchant à la surpuissance effrayante. Tout conduit à un climax hypnotisant, servi par une musique magnifique et une fin naïve mais très belle. Le générique de fin se lance, la chanson est superbe. Un gosse retourne se coucher. Ce soir, il a appris que la japanimation c'était pas un truc "immature pour les gaamins". Le lendemain, il dira à ses copains qu'il a vu un super film. Des années plus tard, il achètera le DVD et le verra plusieurs fois, la larme à l'oeil. D'autres années plus tard, il rédigera cette critique au boulot, priant pour que son collègue ne remarque pas qu'il est tout ému en écrivant ces lignes. Ce film a changé un enfant, c'est l'une des premières étapes qui en ont fait un homme.


Pas mal pour un film pour gaamins.

thetchaff
10
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Créée

le 22 sept. 2014

Critique lue 303 fois

5 j'aime

thetchaff

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