Le Château de Cagliostro
7.2
Le Château de Cagliostro

Long-métrage d'animation de Hayao Miyazaki (1979)

Premier film de Hayao Miyazaki, Le Château de Cagliostro est un film d’animation ultra connu. Si c’est un bon film en soi, quand on connais l’Univers de Lupin The Third c’est pourtant un très mauvais Lupin. Dans ce billet, on verra pourquoi…


Ok, le titre fait un peu putaclic :p , car soyons franc, Le Château de Cagliostro est un hold-up UNIQUEMENT quand on le prend comme un film de la franchise Lupin The Third. En tant que film d’animation ou film de Miyazaki, c’est même plutôt un bon film. En réalité pour comprendre et faire correctement et objectivement la critique du Le Chateau de Cagliostro et voir pourquoi je le qualifie de hold-up, il faut découper la critique en 3 parties et analyser Le Château de Cagliostro :


Comme un film d’animation

Comme un film de Miyazaki

Comme un film Lupin The Third


Et ici, c’est vraiment la partie « Comme un film Lupin The Third » qui nous intéresse car des critiques complètes du Le Chateau de Cagliostro, y’en a 2000 sur le net. Néanmoins j’ai développé et argumenté les deux autres, histoire qu’on me taxe pas de « anti-Miyazaki ».



Comme un film d’animation



On peut tourner le truc dans tous les sens, objectivement c’est un bon film. L’animation est somptueuse (surtout pour l’époque) et fluide, l’histoire tient parfaitement la route, avec ce qu’il faut d’action et d’humour. On retrouve déjà cette petite touche de poésie chère à Miyazaki et qui deviendra quasiment la norme pour qu’un film d’animation Japonais marche en francophonie.


C’est aussi une des grandes forces de ce film, il est accessible au plus grand nombre. Le chara design, rond et sympathique fait le job, et contribue à l’atmosphère bon-enfant de l’ensemble. Avec ce qu’il faut de dark et de sombre avec Cagliostro et ses sbires -clairement identifiables comme les méchants- pour susciter du frisson et de l’empathie envers les héros. Le film alterne parfaitement actions et passages introspectifs en conservant un bon rythme. Le tout saupoudré d’une bonne dose de fun et d’humour.


L’intrigue, bien plus complexe qu’il n’y parait de prime abord est clairement découpée et expliquée sans pour autant en devenir bêtifiante et lourde. En gros c’est rythmé, prenant et bien foutu.


Il a aussi la force des grandes productions anime; il plait aux enfants qui sont la principale cible mais aussi aux ados et aux parents, grâce notamment a une intrigue à 2 niveaux et on peut donc le regarder en famille comme n’importe quel Miyazaki.


En gros le cocktail est parfait : Chara-design abordable, bonne histoire, personnages clairement codifiés, réalisation impeccable et le petit je-ne-sais-quoi qui fait que tout fonctionne ensemble, que la magie opère et qu’un film soit bon…


Et le fait que ce soit un classique depuis 40 ans, ne fait qu’appuyer mes propos.



Comme un film de Miyazaki



Le Château de Cagliostro est un film ultra populaire que ce soit au Japon ou ailleurs. Une renommée qui n’est pas due qu’aux qualités intrinsèques du film mais aussi parce qu’il s’agit du premier long-métrage d’animation d’Hayao Miyazaki avant qu’il ne fonde les Studios Ghibli (Mon voisin Totoro, Porco Rosso, Princesse Mononoké, Le Château dans le Ciel, Le Voyage de Chihiro) et devienne le « Boss » de la Japanimation dite « de qualité ».


Mais il faut savoir que lors de sa sortie en 1979 c’est pas vraiment un franc succès, contrairement au 1er film Lupin 3 -Le Secret de Mamo- sorti un en 1978. C’est par la suite et avec les rééditions qu’il est devenu culte.


Dans ce film tout ce qui fera la patte Miyazaki est déjà présent ou esquissé, comme les paysages sublimes et une photographie ultra léchée. Et déjà cette atmosphère poétique qui se dégage de ses films ou encore son amour pour les machines volantes qu’on retrouve dans quasi tous ses films… Et de poésie, ce film n’en manque pas, rien qu’avec les décors mais surtout le château en particulier qui en devient presque un personnage à part entière. Difficile de ne pas se laisser happer par l’intrigue et les sous-intrigues et le cadre dans lequel celles-ci prennent place. Le fond et la forme comme on dit. Et comme tout bon Miyazaki, l’action ne manque pas non plus et dès l’ouverture le ton est donné avec la séquence de fuite du Casino de Lupin et Jigen . Pourtant cette scène est juste une mise bouche pour sans doute une des course-poursuites les plus mythique des Lupins, celle avec les méchants qui poursuivent Clarisse en 2 CV.


On peut aussi déjà voir tout le talent de Miyazaki a faire s’opposer le bien et le mal et susciter questionnements et interrogations chez le spectateur. Toutefois, ici, c’est très manichéen dans le traitement et bien moins subtil que dans ses films suivants.


Cagliostro est un vrai méchant et ses sbires aussi. Le chara design de ceux-ci renforce d’ailleurs cette différence entre gentil et méchant. Le seul personnage plus ou moins « gris » reste Lupin car c’est quand même un voleur, comme le montre ses actes en début de film et ses méthodes, mais il se pose ici en sauveur plus qu’en voleur. Et c’est encore renforcé par la photographie du film ; Les actions « pures » (Clarisse et Lupin) sont traités à la lumière du jour et avec des couleurs chaudes et lumineuses alors que les actions « sombres » comme les manigances de Cagliostro est ses sbires (ou les combats) sont généralement traités dans des décors plus sombres et avec des couleurs froides.


Alternants avec brio passages posés, introspectifs, narratifs et d’action pour donner un ensemble réussi et cohérent et évidemment le tout au service d’une bonne intrigue plus complexe qu’il n’y parait. Si en plus le film bénéficie d’une animation sans faille et de toute beauté on frôle la perfection.


Clairement un très bon film et du Miyazaki en plein, qui avec son inventivité et ses prouesses techniques pour l’époque à posé de nouveaux jalons dans l’animation. Ca en plus d’avoir eu une influence considérable et d’être le film « précurseur » du style Miyazaki.



Comme un film Lupin The Third



On attaque maintenant le cœur de ce billet, la partie « Comme un film Lupin » et je vais être cash, pour moi, c’est surement le plus mauvais de la franchise. On l’a vu plus haut, c’est un bon film d’animation et un bon Miyazaki, on ne va pas revenir là-dessus et pourtant c’est pour moi, un très mauvais Lupin.


Pourquoi? Parce que Miyazaki n’a respecté ni les personnages, ni l’esprit de la franchise, et a partir d’une base d’un ton plutôt mature, fini par livrer un film pour enfants. Pourtant ce n’est pas que Miyazaki ne connait pas la licence ou les personnages. Il les connait même très bien puisqu’il a déjà animé et réalisé de nombreux épisodes de la série 1 et quelque-uns de la 2. Mais déjà Miyazaki édulcorait les personnages et surtout le ton global, plutôt mature, de la série. En même temps il avait été mandaté pour reprendre la première série en main, jugée trop violente, pour en faire quelque chose de beaucoup plus conventionnel et convenu, plus familial. Mais s’il a édulcoré la violence et le coté noir de Lupin dans l’anime, dans Le château de Cagliostro, Miyazaki a poussé sa logique à l’extrême jusqu’à changer la fonction et le caractère de certains personnages, ce qu’il n’avait jamais fait dans la série. Et pour bien appuyer le tout, il noie l’ensemble dans une atmosphère « guimauve » et bon-enfant typiquement « Miyazaesque » qui est aux antipodes de la franchise et surtout qui ne fonctionne pas quand on connait les personnages et l’Univers. Si ça fonctionne pour un Miyazaki, ça ne fonctionne pourtant pas pour un Lupin…


Le traitement des personnages -quand on les connait- est un massacre :


Lupin est devenu une espèce de prince charmant mièvre. Exit le voleur roublard et blagueur limite arrogant, expéditif et sûr de lui et place a ce personnage très politiquement correct. Et le chara design de Miyazaki appuie encore un peu plus dessus, avec un Lupin aux traits adoucis, lisse, juvénile.


A aucun moment et même poursuivi par de hommes armé, Lupin ne se sert de son arme qu’il n’hésite pourtant jamais a utiliser d’habitude. Et même lors de la scène finale, quand il finit par dégainer, Miyazaki se débrouille pour que son arme soient immédiatement détruite. Et Lupin sans son Walther, qui encaisse sans riposter, c’est le dénaturer encore un peu plus. C’est d’ailleurs une des très rares adaptations (pour ne pas dire la seule) ou Lupin se contente d’encaisser, de subir et fuir tout du long…


Ceux qui ont lu les œuvres de Maurice Leblanc feront sans doute un parallèle avec le personnage des romans qui correspond bien plus au Lupin chevaleresque de Miyazaki qu’a celui de Monkey Punch. D’ailleurs le nom Cagliostro provient aussi d’un roman de Leblanc : La Comtesse de Cagliostro.


Et on continue avec Jigen et Goémon dont le rôle se résume à pas grand chose. D’indépendant, volontaire et parti prenant de l’action et des intrigues, ils deviennent suiveurs et passifs. D’ailleurs dans ce film, ils passent littéralement le plus clair de leur temps a attendre. Pour bien comprendre le peu de place qu’ils occupe dans ce film, les premiers doublages VF sont d’excellents arguments :


Jigen -qui est quasiment l’associé de Lupin- devient un simple un porte flingue. D’ailleurs y’a quasi que lui qui se sert d’armes, au point que dans un des doublages VF, il appelle Lupin, « Patron » et le vouvoie comme un employé. La VO ne lui donne pas vraiment plus d’importance. Pour Goémon c’est pire, son rôle est tellement anecdotique que ses scènes parlées ont carrément été coupées dans le premier doublage VF sans que ça ne pose de problème de cohérence ! Pour ces deux là, a part le look, rien de ce qu’à fait Miyazaki ne correspond vraiment aux personnages. Et leur coup d’éclat à la fin ne sauve rien du tout… De toute façon quasiment tout est centré sur « Lupin » et ses actions et ces deux là sont au final, totalement sous-exploités.


Une plus grande place est accordé à Fujiko mais elle n’est plus une voleuse mystérieuse, manipulatrice et séductrice, mais une opportuniste au rôle pas vraiment clair. Son personnage d’intrigante est ses actions sont plutôt fidèles mais pourtant son personnage est au final creux et totalement transparent. Elle est blonde et pas brune/rousse (auburn d’après ma femme^^) comme toujours et n’a sans doute jamais été moins sexy avec cette combinaison militaire. Le seul personnage qui soit plus ou moins fidèle est Zenigata. Mais comme trop souvent, il est résumé à un ressort comique déclencheurs d’événements… Et la liste des exemples est longue mais je m’arrêterais là…


Est-ce que c’est si grave qu’il ait modifié les personnages et l’univers si le film est bon, me direz vous?


Hum… Déjà quand on fait un film à licence on essaye de respecter un minimum l’Univers et les personnages. Mais en plus ici c’est la bande à Lupin. Alors oui, pour moi c’est sensible, j’aime pas qu’on touche aux héros de mon enfance mais surtout les personnages imaginés par Monkey Punch se suffissent a eux-mêmes pour laisser reposer l’histoire sur eux. Car dans un Lupin si on met l’intrigue (bonne ou mauvaise) de coté, le film repose essentiellement sur ces personnages, leurs personnalités et les interactions entre eux. Ce que Miyazaki a totalement mis de coté ici.


Soyons objectifs, des adaptions ratées de Lupin, y’en a eu quelques unes, mais Miyazaki a été plus loin que tout le monde niveau non-respect des personnages et de l’univers. Ce film me donne juste l’impression qu’on a commandé et payé un film Lupin à Miyazaki et que le gars a fait SON film, SON histoire et que Lupin et cie sont juste des contraintes techniques… Et il est là, pour moi, le hold-up. Car objectivement, ça aurait pu être n’importe quels personnages à la place de Lupin et de sa clique, que ça aurait fonctionné pareil, voir mieux…


Paradoxalement, même si c’est un mauvais Lupin, c’est souvent via ce film que certains ont découvert le personnage de Lupin et ce film a aussi posé des jalons dans la franchise. La plaque R33 et l’emblématique Fiat 500 jaune qui deviendra LA voiture de Lupin dans la plupart des adaptations viennent de ce film. Pour l’anecdote c’est la voiture du chef animateur Yasuo Ōtsuka que l’équipe fait apparaitre dans le film comme un clin d’œil. Mais pas seulement ! Si Miyazaki donne une petite Fiat 500 à Lupin c’est pour encore gommer le coté « malfaisant » et dur du personnage. En effet dans la série et le manga il conduit des voitures de luxe comme une Mercedes-Benz SSK, décrite dans le pilote comme: « la favorite d’Hitler ». Évidemment avec cette référence… Par contre un gars qui conduit une Fiat 500 peut pas être vraiment mauvais :S


Cependant, je ne peux que reconnaitre que Miyazaki s’est emparé du personnage et que sa version de Lupin est très cohérente avec son Univers et sa filmographie. Si on prend son Lupin comme un personnage de Miyazaki (ou une réinterprétation) et pas comme le personnage de Monkey Punch ça passe sans soucis et le film est une réussite. Par contre en tant que film de Lupin, ça passe moyen…


En conclusion si vous voulez voir un film de Miyazaki, Le Chateau de Cagliostro vous comblera mais si vous voulez du Lupin The Third, passez votre chemin…


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le 24 avr. 2020

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