J'ai été vraiment envoûté par ce petit drame rohmérien et pourtant ça commençait mal. La faute à une photographie vraiment froide typique du téléfilm européen des années 1990 - 2000. Et puis, l'entrée en scène des protagonistes m'a immédiatement conquis. Sûrement car ce qui se joue dans le film me renvoyait à ma propre expérience de vie de jeune adulte en construction. J'ai ressenti intimement le malaise du jeune Félix, cet apprenti artiste au corps ingrat et malhabile, à la fois tiraillé entre mépris de soi et (faux) sentiment de supériorité morale. J'ai compris la stratégie d'évitement que met en place ce post-adoléscent bourré de complexes, tiraillé par son désir mais préférant le dissimuler sous une carapace faite de mépris surjoué, de repli sur soi, et d'echappatoires bidons. "Le travail n'attend pas", dit-il pour éviter de montrer son corps à la plage, et esquiver la rencontre et le point de vue des autres qui ne pourraient que confirmer ce qu'il ne sait que trop bien : son manuscrit ne vaut rien et l'artiste a encore du chemin à parcourir avant de trouver sa voie. Mais surtout, il n'a ni le charme ni la suave décontraction de ses acolytes masculins. Cruel quand on est en concurrence avec eux pour attirer le regard de la sublime et sensuelle Nadja. Trop timide et orgueilleux pour avouer son désir à une femme beaucoup trop belle pour lui, il préfère se convaincre que sa supériorité d'écrivain ne saurait se compromettre avec une vendeuse de glace. Avant de découvrir, médusé, que ladite vendeuse de glace, est en réalité une thésarde en littérature qui a parfaitement compris la supercherie de son ouvrage. Humiliation suprême ou salutaire leçon d'humilité.
Felix est insupportable, capricieux, malaisant, et surtout égocentrique. Le monde peut crâmer autour de lui (c'est le cas de le dire), seule compte pour lui la contemplation de son mal-être et de sa mélancolie. Figure typique de l'apprenti artiste perché dans sa tour d'Ivoire factice pour ne pas se regarder dans la glace.
La belle Nadja a parfaitement compris cela et c'est sûrement ce qui explique qu'elle éprouve de l'attirance pour le jeune homme malgré son attitude détestable. Elle seule voit clair dans le jeu de Félix, comprend ses failles et peut-être a-t-elle le désir de s'intéresser à cet homme maladroit qui fait mine de ne pad chercher à la draguer.
Je me suis vu dans Félix, celui que j'étais à 20 ans, à cet âge féroce où l'on a tout à prouver et tout à se prouver.
Le ciel rouge est une magnifique évocation de la mélancolie joyeuse de l'adolescence finissante emportée par les flammes du monde cruel des adultes.