Le film de guerre est un genre à part entière qu'on apprécie ou pas, mais qui laisse rarement indifférent, tant cette thématique au cinéma a enfanté quelques unes des oeuvres fréquemment retrouvées dans les TOP 100 des films recommandés par nombre de guildes, associations, professionnels ou autres étalonneurs du "bon goût" cinématographique (citons les modèles du genre : Appocalypse Now, Taxi Driver, Voyage au bout de l'enfer ou encore Full Metal Jacket).


"Le combat du Capitaine Newman", plus consensuel dans sa forme, n'est certes pas de cette facture, mais il est l'un des premiers à faire de son thème central et unique le problème du sydrôme du stress post-traumatique des soldats de retour du front. Relativement linéaire, ce "Combat du Capitaine Newman" ne brille pas par son scénario très huilé. Et on pourrait facilement passer devant ce titre peu aguichant pour des contrées plus prometteuses.


Mais ce serait dommage de négliger ce pamphlet (certes, édulcoré et maniéré) du déni qui entourait la question des troubles mentaux que peut générer la guerre chez les soldats mais aussi leurs officiers. Gregory Peck porte son personnage de médecin militaire avec juste ce qu'il faut d'humanité pour ne pas tomber dans le pathos. Menacé de fermeture, son service de psychiatrie est suspecté d'offrir une porte de sortie à des soldats manquant de patriotisme et de sens du devoir.


Mais le beau docteur ne le voit pas ainsi. Il n'a de cesse d'alerter sa hiérarchie de la menace que représente ces troubles si ceux qui en sont atteints retournent au front : danger pour le malade, mais aussi pour l'armée elle-même. Dévoué à son service en perpétuel sous-effectif, le Dr Newman, un brin roublard, réussit à intégrer deux nouvelles recrues dont le regard candide servira de vecteur dans cet univers clos : le Caporal Lebowitz (Tony Curtis en infirmier trop prolixe et allergique à la psychiatrie) et le Lieutenant Corum (Angie Dickinson en infirmière aux jambes parfaites - le Dr Newman en voit déjà tout le potentiel sur ses malades - mais peu convaincue par l'utilité d'un service psychiatrique).


Il n'y a pas, à proprement parler, de fil rouge. Le film axe sa narration sur le catalogue des différents cas qui se succèdent dans le fameux batiment 7 (sce psychiatrique). Le scénario déploie, avec parfois peu de finesse, les scènes médico-démonstratives où les scénaristes exposent la profondeur et la diversité (sans être exhaustifs) des symptômes du syndrome post-traumatique.


Et, comme nous sommes à Hollywood, ces scènes supposées anxiogènes pour le spectateur sont entrecoupées par des séquences plus légères portées par un troupeau de moutons (si, si, et c'est presque drôle) et par le trublion de service Tony Curtis en infirmier délicieusement irrévérencieux, débrouillard mais au bon coeur (personnage aussi savoureux qu'inutile sur un plan dramaturgique, donc indispensable).


Le tout est ponctué par l'obligatoire romance qui se tisse entre le trop humain Dr Newman et les jambes de sa toute nouvelle recrue le lieutenant Frankie Corum (Angie Dickinson impeccable jusqu'à la pointe de son indécoiffable brushing).


Dommage qu'aucun antagoniste ne vient véritablement relever ce petit ronronnement narratif, si ce n'est les désaccords qui émaillent, de temps à autre, les rapports entre le Dr J. Newman et son supérieur le Colonel E. Pyser. Mais ce film qui tient tout du mélo (et que mon honnêteté m'oblige à livrer avec ses faiblesses) mérite tout de même votre intérêt pour une première approche des TSPT (troubles du stress post traumatique).


Sortit un an avant que n'éclate la guerre du Vietnam, qui engendrera les films phare (cités plus haut) sur le retour des soldats traumatisés, "Le Combat du Capitaine Newman" fait office de pionnier sur la question. Malgré les maladresses du discours et la maigreur des connaissances psychiatriques mises en scène, Gregory Peck, avec ce film, aura finalement bouclé la boucle ouverte avec un autre film : "Un Homme de Fer" (1949). Il y incarnait un officier chargé de remettre sur pied un escadron aérien dont les pilotes flanchaient les uns après les autres. Le personnage avait fait sienne la devise "Une main de fer dans un gant de fer", devise qui le conduira à souffrir d'une forme de "choc traumatique" identique à ceux des pilotes qu'il était sensé remotiver.


Pris en compte officiellement par l'OMS et l'armée américaine en 1980, il faudra encore attendre 2009 pour que l'armée française systématise la prise en charge de ces troubles pour ses soldats de retour d'Afghanistan. Cette blessure de guerre invisible que représente le stress post traumatique, longtemps interprétée comme une forme de lâcheté, reste, à en croire la littérature médicale, un tabou au sein de la Grande Muette. Voici donc un film (didactique certes et grand public) qui démontre qu'à Hollywood aussi (souvent houspillé pour sa frivolité et son goût des produits bancables) les acteurs du 7e art savent voir les blessures invisibles... ou presque.

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le 30 juin 2016

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