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Vous souhaiteriez entrer à la Fémis, ou plus largement dans n’importe quelle grande école nécessitant un concours d’entrée, mais vous savez que les places sont chères. Vous avez entendu ci et là que tel ou tel établissement juge, dans son concours, la « valeur » du candidat et non ses qualités pures ou ses « connaissances ». Malheureusement, comment savoir si tout ceci est vrai ou du chiqué complet ? Comment savoir si tel concours vous correspond plus qu’un concours standard ? Chaque école, chaque établissement est de plus en plus régi par ses propres règles (du moins le prétend-il), en conséquence Le Concours ne tend pas à vous répondre exhaustivement à ces questions, mais à travers la Fémis, Claire Simon tente de vous donner un aperçu clair et franc de la situation.


On suit donc au plus près des candidats les épreuves du concours de la Fémis et la manière dont les professeurs jugent les élèves et leurs résultats. On voit donc leurs critères de sélection, la différence de point de vue, non seulement du cinéma, mais aussi de la scolarité des différents élèves. Claire Simon par ailleurs suit tout autant les élèves sélectionnés par la suite comme ceux qui seront refusés afin de laisser au spectateur le soin de juger lui-même de la pertinence des choix de sélection.


Ce documentaire met 2 principales choses en exergue. Premièrement on voit clairement que même si les jurés tentent de passer au-dessus des qualités intrinsèques de l’élève et de ses connaissances, notamment en prenant en compte son parcours, son éventuelle marge de progression, ses capacités à raisonner par logique, sa personnalité et sa sensibilité, les capacités de base du candidat sont toujours un énorme frein face à sa personnalité et à toutes ses qualités relationnelles vérifiées, mais n’apportant rien de vraiment important à l’établissement. Et si l’on se dit que les valeurs du candidat sont mises en avant, on se rend rapidement compte que ce n’est vrai qu’un court instant. L’état d’esprit des professeurs lors de l’entretien joue énormément, jusqu’au choix même du sexe du candidat. On le remarque dans un premier temps lorsqu’une élève est confrontée à un juré constitué de 3 ou 4 hommes et d’une seule femme. Les hommes l’acceptent immédiatement jusqu’à ce que la femme émette son avis en comparant la candidate à l’élève garçon précédent que les hommes ont rejeté en bloc alors que, selon la jurée, il avait exactement les mêmes qualités. Plus tard on assiste à 2 situations diamétralement opposées où une professeure tombe complètement sous le charme d’un élève et parvient presque à contraindre le reste de l’assemblée de le choisir alors qu’il ne semble pas avoir plus d’avantage sur ses anciens concurrents que le physique et sa belle gueule. Ainsi qu’une autre jurée qui va presque jusqu’à s’énerver envers ses collègues pour refuser sans concession un élève qui ne lui a pas plu, au point de faire avouer à ces dernières que pour être bon réalisateur "il n’y a pas besoin de savoir communiquer" (faut quand même s’accrocher pour être professeur à la Fémis et oser dire ça…). Ces images démontrent à quel point un jugement sur des valeurs, une éthique ou une morale n'est finalement pas si bienfaiteur que des concours « normaux ». Les choix et les arguments divergeront beaucoup plus selon l’humeur générale, la nature des candidats précédents et leur performance ainsi que la diversité de sexe des jurés.


On y apprend deuxièmement que le fait de juger différemment a du bon dans certaines situations, mais peut également être très traître pour certains candidats. Lorsqu’un projet écrit doit être rendu, on assiste à plusieurs reprises à des élèves qui rendent, selon les juges, un travail trop scolaire, trop convenu ou sans surprise. En fin de compte l’avenir d’un élève se joue à très peu de chose d’une part et ne récompense même pas forcément les plus motivés ou ceux qui seraient dotés d’une grande sensibilité. En donnant un entretien et en permettant aux élèves une sorte de seconde chance, certains deviennent désavantagés quand d’autres n’arrivent pas à tirer parti de cette nouvelle chance. On constate donc à plusieurs reprises qu’une telle méthode, sous couvert d’être beaucoup plus franche et beaucoup plus proche du candidat, est peut-être encore plus néfaste qu’on ne le pense. Finalement ce n'est plus une épreuve qui juge un élève, mais un groupe de personnalités (les professeurs) qui juge diverses personnalités uniques (les candidats). Ainsi l'impartialité n'existe plus et ça devient presque à celui qui fera le mieux les yeux doux.


Cependant le documentaire invite véritablement le spectateur à prendre du recul sur tout ça. On voit beaucoup d’avis, beaucoup de situations, mais également des passages partiellement privés nous en montrant beaucoup plus sur la nature profonde de certains professeurs. Exactement au même titre que les professeurs tentent d’analyser les élèves, leur nature et la véracité de leurs propos, Claire Simon nous dit qu’il faut également essayer d’analyser tout ce qui passe, tout ce qu’on comprend, de ne pas donner un jugement trop hâtif et premier degré de la situation. Par ailleurs la réalisatrice utilise la bonne manière de présenter les choses. Une neutralité absolue envers les candidats comme les jurés, une impartialité de temps accordée aux uns comme aux autres et une diversité appréciable des candidats présentés. On nous propose donc une variété de situation et d’avis qui permettent au spectateur d’avoir une vision d’ensemble suffisamment éclectique et neutre (entendre par là : aucune influence de la part de la cinéaste dans le discours ni dans la volonté à travers les images diffusées). Définitivement un grand documentaire sur le concours de la Fémis et aussi une bonne leçon de cinéma. Dans un documentaire, ce qu’on y voit est parfois hors contrôle de ce que voulait montrer le réalisateur (ou la réalisatrice) mais reflète beaucoup plus de choses. La volonté ici était certainement neutre, mais les images recueillies sont extrêmement révélatrices et c’est le plus important pour un documentaire que de révéler.

Notry
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le 15 déc. 2018

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