En 1943, en pleine Occupation, la Continental (aux ordres des nazis) produit le film "le corbeau " de Georges Clouzot. Film dont le sujet central est la délation ou la dénonciation calomnieuse. Délation qui était un sport très pratiqué pendant ces heures sombres pour de multiples raisons : vengeance, fanatisme, malveillance... Mais comme les patrons de la Continental n'appréciaient pas le sujet ou les sujets périphériques du film, Clouzot est parti en claquant la porte.
A la libération, le film est honni par la Résistance et Clouzot mis à l'index (y compris Fresnay et G. Leclerc)
J'ai résumé à ma façon (malhonnêtement, pardi) la genèse et la vie de ce film sur 3 ou 4 ans avant de devenir un film de référence.
Des décennies plus tard, je me dis que Clouzot était particulièrement gonflé de mettre ce sujet sur la table. Même si en fait, il n' y a strictement aucune allusion sur l'Occupation ou la guerre. Même si après tout, le scénario ne fait que se baser sur une histoire réelle qui s'est produite dans les années 20.
Le phénomène de la délation n'était pas d'actualité, il était juste de notoriété publique. Il touchait toutes sortes de gens de quelque obédience politique ou même confessionnelle que ce soit. Bien normal, alors que le sujet soit brûlant, que toutes les parties existantes à l'époque pendant et après la guerre aient été gênées aux entournures.


Parlons du film proprement dit.
Il est monté en thriller avec au départ quelques allusions amusées jusqu'à ce que ces allusions se transforment peu à peu en dénonciations calomnieuses. Mais on se rend compte aussi qu'il y a toujours une base de réalité ou de vraisemblance, je devrais dire, dans chacune des calomnies que ce soit sur des affaires de détournement de fond, des affaires de cocufiage ou des affaires médicales. Les personnes incriminées se prennent à surveiller, bâtir des contre-feux. Des soupçons se forment. On passe d'un coupable à l'autre. La tension croît au fur et à mesure de l'avancement du film. Elle est maximale lorsqu'une des lettres anonymes provoque un suicide. Le vrai coupable de ces dénonciations n'est évidemment pas à l'arrivée celui que l'on attend.


Le casting est impressionnant :
Henri Fresnay en médecin (Docteur Germain) qui s'occupe de cas difficiles et dont le passé comporte quelques ombres excelle dans ce genre de rôle, franc du collier et qui ne sait pas mentir mais aussi écorché vif par la vie. Il est surtout le seul qui, une fois dévoilé son passé, a être parfaitement en accord avec lui-même.
Ginette Leclerc reste toujours dans le même registre, qu'on lui a souvent servi, de femme fatale ici avec un fond d'humanité ou de fragilité.
Pierre Larquey dans un de ses meilleurs rôles, en psychiatre, se veut au dessus de la mêlée et fin connaisseur de l'âme humaine et a, comme d'habitude, la voix rassurante (veloutée !) qu'on aime bien entendre dans les tempêtes.
Antoine Balpêtré, Louis Seigner et Noël Roquevert assurent des petits rôles avec leur personnalité typique .
Mais je ne veux pas oublier celle que j'adore trouver dans un film, Jeanne Fusier-Gir, toujours aussi excellente en vieille dame sentencieuse et bougonne.

JeanG55
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le 18 févr. 2021

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JeanG55

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