Dans une décennie très « rapide et furieuse » pour l’acteur Vin Diesel, ce Dernier chasseur de sorcières dénote un peu. Et même s’il n’a pas fait grand bruit, s’il reste une grosse production avec ses défauts, ses quelques qualités méritent de lui offrir un peu d’attention.


Son introduction, bien menée, lui permet déjà de capturer la curiosité du spectateur, qui découvre dans un Moyen Age brutal la prise d’assaut du repaire de la Reine des sorcières, qui a décidé de faire table rase de l’humanité en lui offrant une mortelle pandémie, la peste noire (et non pas une autre plus récente). Kaulder, accompagné de quelques compagnons, se glisse dans son antre, gigantesque arbre vicié pour la tuer. Mais celle-ci lui offre sa dernière malédiction, il ne pourra pas vieillir, pas mourir, ses blessures se guériront d’elles-mêmes. Il est condamné à vivre.


800 ans plus tard, l’humanité va mieux, ouf, et les hommes et les sorciers et sorcières ont signé un pacte qui garantit la coexistence de chacun, tant que certaines règles sont respectées telles que l’interdiction d’utiliser la magie noire. En cas de délit, la confrérie secrète de la Hache et de la Croix peut envoyer Kaulder faire régner l’ordre. Il manie les armes avec dextérité, est rompu à tous les rituels, connaît tous les sorts, en sait bien plus que n’importe qui et ne peut pas mourir. S’il inspire la crainte, il se révèle magnanime et discret pour les sorciers qui ne cherchent pas à nuire, et pourra même leur tendre la main.


Mais cette fois-ci, c’est personnel. Dolan 36, trente-sixième du nom, charge générationnelle qui aide Kaulder depuis les débuts a été tué, c’était le seul ami sur qui il pouvait vraiment compter. Un mystérieux message demande à notre chasseur de se rappeler de sa mort. Un indice si mystérieux qu’il lui faut faire appel à des sortilèges peu communs, tandis qu’un mystérieux sorcier barbu tente de l’en empêcher. Dans cette lutte contre cette conspiration, la vie de Chloé, sorcière tenant un bar magique va être chamboulée. Kaulder la prendra sur son aile, malgré son aversion pour le chasseur de sorcières, et ensemble ils vont découvrir ce qui se cache derrière ce meurtre.


Il ne faudra pas être trop regardant sur le déroulé du script, de son alignement de péripéties ou de révélations assez convenues dans un tel film à gros budget. Un effort pour présenter les objectifs du mauvais camp d’en face aurait tout de même été appréciable, en l’état il faut comprendre que les pions sont placés pour lancer une vengeance mûrie depuis longtemps, par désir de revanche ou d’extermination génocidaire des moldus, probablement. L’affrontement final laisse suggérer une piste, plus écologique, lors d’une belle scène, mais l’indice est visuel, les vilains méchants préférant proférer menaces et grognements pas très sympathiques.


La superficielle catégorisation des personnages du bon camp est moins dérangeante, car ils sont amenés à évoluer, même si cela se fait encore sans grande dramaturgie. La découverte des secrets cachés de Kaulder entraîne de nouvelles pistes, la raison de son immortalité étant bien trouvée. Le chasseur de sorcières sera plus troublé par une autre révélation (le spectateur moins), même si son caractère ne changera guère. Vin Diesel joue un héros des temps modernes, qui joue de son autorité mais qui malgré quelques tourments d’une vie immortelle continue à tendre la main. L’acteur est à l’aise pour ce rôle magnétique, ce bloc au centre de tout (de l’histoire, de la caméra), ce sera moins le cas pour des scènes qui se veulent plus émouvantes, heureusement peu nombreuses. A noter que pour le jouer, l’acteur, fan de jeux de rôles, s’est dit inspiré par un personnage rôliste qu’il s’était crée. Chloé, à ses côtés, apprendra à le connaître et finira par l’épauler, dans une relation évidente et prévisible mais qui a le bon goût de ne pas se concrétiser (sauf dans la bande-annonce qui dévoile une scène non gardée au montage, oups). Rose Leslie est cette jeune sorcière agitée mais déterminée, pour une prestation sans accrocs. Michael Caine interprète ce pauvre Dolan 36, tandis qu’Elijah Wood sera Dolan 37, l’un joue sans éclats, l’autre ne sera pas souvenu pour ce rôle.


Pourtant, ce que parvient le mieux à réussir Le Dernier des chasseurs des sorcières n’est pas anodin, et c’est même ce qu’il lui offre ce supplément d’âme que ce genre de productions fantastiques peine parfois à retranscrire. Il offre un contexte, une histoire, des décors, un monde. L’idée de sorcières vivant cachées n’a rien d’innovant, mais le film la développe avec des règles, des usages et des interdictions dont Kaulder est le gardien (parfois musclé). Cela passe par les dialogues, porteurs d’un passif, mais aussi par les gestes et les rituels, qui ne servent pas seulement à démontrer les nombreuses compétences de Kaulder, mais de montrer que ces traditions, ces incantations, ces gestes font partie de ce monde. Certaines allusions resteront sans développements, certains interdits ne seront pas expliqués et le spectateur devra se faire à une présentation sommaire de cette société sorcière et de ses différentes catégories ou de ses règles.


Pour mettre en valeur son monde, le film utilise d’ailleurs une mise en forme soignée, quoiqu’un peu précipitée pour les scènes plus mouvementées, qui joue sur les oppositions. Malgré l’emploi d’une pellicule numérique un peu grise, qui aseptise la photographie de tant de productions de ces années, il y a malgré tout une direction artistique suffisamment travaillée pour être soulignée. Il y a bien sur l’opposition entre le monde urbain et moderne, de cette grande ville conquérante, et ses marges, laissées aux sorciers et sorcières. Le film n’hésite pas à se rapprocher des conventions horrifiques, pour créer l’effroi, par quelques plans angoissants notamment dans les repères sorciers et des créatures inquiétantes. Mais il arrive aussi à créer l’émerveillement, quand il offre au spectateur ce que ce sous-monde de la magie peut offrir. Le bar clandestin de Chloé possède cette force. Et si l’humain possède la technologie ou le béton, ces créatures sorcières possèdent un lien évident avec la nature, dont la végétation se retrouvera lors de quelques scènes. Mais le vert éblouissant de quelques scènes avec de « bonnes » sorcières s’oppose là encore à la nature végétalement grise, aux écorces grises, aux branches griffues du camp des mauvaises sorcières.


Le film de Breck Eisner se donne beaucoup d’efforts pour créer une nouvelle franchise, avec son héros magnétique, son contexte bien développé ou en tout cas suffisamment suggéré, une mise en forme assez soignée et un rythme bien défini, toujours relancé. Mais aussi ses facilités scénaristiques. Le film fut un petit succès au box-office, pourtant malgré quelques rumeurs aucune suite n’a encore été lancée. Des films plus dispensables ont eu cette chance, mais il est difficile de s’imposer dans un paysage déjà trop rempli en blockbusters.

SimplySmackkk
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le 8 juil. 2022

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