C'est le titre américain de ce film que je n'avais encore jamais vu … "le dernier des géants", comme l'ont décidé les distributeurs français.

Et, encore une fois, je trouve que le titre original, par sa tonalité modeste, rend un hommage à l'homme (un tireur !) et non à la place de l'homme dans la société comme voudrait le faire entendre le titre français.

Pas sûr que je sois bien clair. Je recommence. Le film raconte la fin d'un homme, un tireur (shootist), une fine gâchette qui a réussi l'exploit de survivre à tous ses combats ou, si on veut, dont la mort n'a pas voulu. À mon avis, le film ne raconte pas qu'à travers la mort de ce tireur, on voit la fin de tous les tireurs ou la fin d'une époque. La société a beau s'être modernisée et civilisée (le tramway tiré par un cheval, on est en 1901), la race des gangsters n'est pas près de s'éteindre et nécessitera toujours des talents de redresseurs de tort et donc de fines gâchettes.

C'est d'ailleurs en cela, que le film de Siegel dégage une véritable émotion. Le film est un hommage à de vieux acteurs qui ont œuvré dans le domaine du western. Un peu dans l'esprit de la cérémonie d'un départ à la retraite après une longue carrière et de bons et loyaux services. On y trouve bien sûr John Wayne mais on prend un sacré vrai plaisir à rencontrer James Stewart, avec sa timidité confondante, sa bonté qu'il cache sous un aspect un peu rugueux. C'est qu'il fallait au moins ça pour l'occasion ! Reconstituer la "ligue" du somptueux "l'homme qui tua Liberty Valence". Et on a même ressorti un mauvais garçon comme Richard Boone, longtemps "complice" de John Wayne.

John Wayne, le héros du jour, dans le personnage de JB Books, se trouve devant un dilemme. La Mort n'a pas voulu de lui pendant des années pour lui réserver un destin bien plus horrible : une lente et douloureuse agonie du fait de son cancer qui le ronge inexorablement. L'hommage va donc consister à mettre en place une sortie de l'artiste dans la dignité, la tête haute. Richard Boone et deux autres malfrats vont se prêter à la cérémonie dans leurs rôles habituels. Comme s'il fallait que cette fois, ils contribuent à rendre la mort de John Wayne la plus convenable possible. Et à la fin, James Stewart est présent, dans les coulisses, pour assister au départ du vieux compagnon, avec presque de la satisfaction dans son regard.

N'oublions pas que la relève est bien là, aussi, avec Ron Howard, plein d'admiration et de tristesse, qui donne un précieux coup de main à John Wayne. Et s'il finit par jeter son arme avec dégoût, c'est à prendre comme un geste raisonné de l'acte nécessaire pour lutter contre les malfaisants sans pour autant que ça ne devienne une habitude ou un plaisir.

J'ai bien aimé la présence de la veuve, dans la personne de Lauren Bacall, comme l'élément de stabilité possible ou l'élément de transmission de la société en mutation. La dernière douceur accordée au vieux lutteur …

Et j'ai bien aimé la présence de Scatman Crothers dans le rôle du palefrenier. Est-ce un clin d'œil pour le personnage de Pompey joué par Woody Strode dans le film de Ford cité plus haut ?

Pour conclure, "the shootist" est un bien bel hommage décerné à John Wayne dans ce qui sera son dernier film, où acteur et personnage finissent par se confondre …


JeanG55
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Westerns et Les meilleurs films de 1976

Créée

le 16 août 2025

Critique lue 36 fois

11 j'aime

10 commentaires

JeanG55

Écrit par

Critique lue 36 fois

11
10

D'autres avis sur Le Dernier des géants

Le Dernier des géants
Docteur_Jivago
7

La marche funèbre

Le Dernier des Géants, une oeuvre que j'espérais visionner depuis quelques temps déjà, notamment pour l'aspect crépusculaire et l'adieu de John Wayne au cinéma à travers son rôle de prédilection,...

le 8 juin 2017

24 j'aime

3

Le Dernier des géants
Ugly
6

Fin d'un monde

Ce film dont le titre français semble être un hommage direct à son interprète principal, prend une résonance assez prophétique lorsqu'on sait que John Wayne disparaîtra d'un cancer comme John Books,...

Par

le 11 janv. 2018

23 j'aime

30

Le Dernier des géants
Electron
7

The shootist

Western crépusculaire (tourné en 1976) ce film de Don Siegel possède certaines qualités qui le distinguent d’une production de série. Un homme vieillissant (John Wayne) arrive à Carson City. Nous...

le 17 oct. 2012

23 j'aime

10

Du même critique

L'Aventure de Mme Muir
JeanG55
10

The Ghost and Mrs Muir

Au départ de cette aventure, il y a un roman écrit par la romancière R.A. Dick en 1945 "le Fantôme et Mrs Muir". Peu après, Mankiewicz s'empare du sujet pour en faire un film. Le film reste très...

le 23 avr. 2022

31 j'aime

9

125 rue Montmartre
JeanG55
8

Quel cirque !

1959 c'est l'année de "125 rue Montmartre" de Grangier mais aussi des "400 coups" du sieur Truffaut qui dégoisait tant et plus sur le cinéma à la Grangier dans les "Cahiers". En attendant, quelques...

le 13 nov. 2021

29 j'aime

5

Le Désert des Tartares
JeanG55
9

La vanité de l'attente de l'orage

C'est vers l'âge de vingt ans que j'ai lu ce livre. Pas par hasard, je me souviens très bien qu'un copain me l'avait recommandé. J'avais bien aimé. Cependant, je n'ai jamais éprouvé le besoin de le...

le 7 avr. 2023

28 j'aime

33