Celui qu'on appellera "lâche" le reste de sa vie.


-Nous sommes les cinq du fort à avoir nos familles à Oxbow. Il faut les sauver. Un de nous pourrait les conduire en lieu sûr, et revenir.
-Comment passerait-il ?
-L'envoyé de Houston est bien passé.
-Lequel partira ?
-Si vous voulez bien, on tirera au sort. Un seul de ces haricots est noir. Celui qui le tirera partira.



Avec Le Déserteur de Fort Alamo sortie en 1953 le réalisateur Budd Boetticher (L'Homme de l'Arizona, 7 Hommes à abattre, Comanche station) propose un western plaisant, qui apporte une approche pertinente à l'histoire vraie de la chute du Fort Alamo. Ne présentant nullement son récit historique comme l'a fait deux ans après son successeur "Quand le clairon sonna" de Frank Lloyd, ou sept ans après avec le fameux et célèbre "Alamo" réalisé par John Wayne, le cinéaste préfère ouvrir une autre parenthèse en s'écartant du support d'origine. À l'époque cela a dû décevoir ceux qui rêvaient de voir la reproduction de ce périple, mais aujourd'hui cela amène plus d'élargissement sur le sujet.


L’intrigue dévie de son cadre avec le personnage John Stroud chargé après un tirage au sort juste avant la chute d'Alamo, de déserter le fort afin d'aller prévenir et de protéger les familles de ses frères d'armes du danger des envahisseurs mexicains. Sauf que problème, le général Mexicain Antonio López de Santa Anna procure des terres aux Texans près à se rallier à sa cause, laissant champs libres à l'activité de bandits américains, profitant de la confusion pour piller les villages alentour déguisés en Mexicains. C'est ainsi que John Stroud chargé des volontés testamentaires de ses camarades, part retrouver les familles de ceux-ci, étant par la même accusé et poursuivi pour désertion par le lieutenant Lamar.


Le récit est abondant en rebondissements et autres retournements de situations. Il présente de bonnes idées qui provoquent de l'introspection par une observation et analyse de différents thèmes comme le sacrifice pour une cause plus noble, la loyauté quitte à passer pour le pire des salopards, les résultantes de la désertion... Seulement, il n'est malheureusement jamais tout à fait à la hauteur de sa proposition, et c'est bien dommage car le potentiel est là. Le développement de l'intrigue n'exploite pas suffisamment, ni avec constance, certains thèmes importants à l'environnement entourant ce périple comme son aspect historique seulement effleuré, ou l'écriture de l'ensemble des personnages qui hormis pour Glenn Ford souffrent cruellement de manque de dialogues loquaces et de profondeur psychologique.


Glenn Ford (L'Homme de nulle part, Le Souffle de la violence) en John Stroud est vraiment très bon. Il incarne un homme animé par une forte conviction, endurant son sort peu enviable de déserteur (quoiqu'il n'en soit pas un), acceptant de passer pour un traitre, un lâche, un dégonflé pour remplir la volonté de ses camarades morts au combat dans le fort avec tous les honneurs. Ne partant jamais en bavardage inutile, ne cherchant jamais à se justifier auprès de ses accusateurs, laissant toute élucidation de sa part dans le mutisme, laissant avant tout le corps et les actes parler, amenant des traits de force émotionnelle très nuancée. John Stroud assume la légitimité de sa mission, quel qu'en soit le prix.


Le reste du casting fait preuve de pauvreté, non pas dans les interprétations, mais dans les développements qui sont très minimalistes. La comédienne Julie Adams dans le rôle de Beth Anders est sous-employée ne servant presque à rien. Les antagonistes sont caricaturaux, et méchants car méchant. Hugh o'brian sort un peu du lot en incarnant celui qui considère la désertion de John Stroud comme un acte impardonnable, étant celui par qui l'évolution de l'image de lâche du héros peut changer, seulement il se barre avant la fin et ne sera jamais là pour voir le sacrifice de celui-ci. Finalement, seule la relation entre John Stroud et le jeune orphelin Carlos incarné habilement par Marc Cavell, apporte au long-métrage plus de dramaturgie et de subtilité.


Si vous êtes en recherche de confrontation westernienne ce film étanchera votre soif par de nombreuses scènes d'action. Échanges d'armes à feu de tous types de calibre jusqu'au boulet de canon, des poursuites à chevaux, des combats aux poings et aussi aux couteaux, dont un duel final au corps-à-corps en haut d'une chute d'eau particulièrement intense. Le Déserteur de Fort Alamo n'est pas avare de sensations fortes. Hormis le superbe premier quart d’heure se passant dans le fort, l'ensemble des décors sont peu inspirants, pas moches du tout, mais très répétitifs. Il faut attendre la fameuse confrontation finale en haut de la chute d'eau pour observer du changement. Enfin, la partition musicale mouvementée de Frank Skinner apporte du panache au spectacle.


CONCLUSION :


Le Déserteur de Fort Alamo n'est pas un grand western, mais certainement pas un mauvais. Réalisé par Budd Boetticher celui-ci amène beaucoup de panache et de vitalité à son oeuvre qui s'avère être une pièce divertissante qui se renouvelle en apportant un écart intéressant à l'histoire d'Alamo. Plus de points positifs que négatifs à relever. Bravo à l'interprétation tout en retenue de Glenn Ford. Je suis étonné que ce film n'est jamais eu de suite, car à la fin John Stroud n'a réglé que les problèmes l'entourant et n'a toujours pas trouvé les familles de ses camarades. Il s'en va au soleil couchant pour les trouver et j'aurais aimé voir cela.
Une oeuvre à voir pour les fans d'histoire se passant le 6 mars 1836 avec le massacre des 187 défenseurs du Fort Alamo contre une armée mexicaine de 5000 personnes. Si le sujet vous intéresse il existe des titres bien plus développés sur le sujet comme : " Quand le clairon sonna (1955), Alamo (1960), The Alamo (1987), Alamo (2004). "


Tout ce que ses films (hormis la version de 2004) oublient curieusement de préciser (comme la plupart des films de western dans sa quasi globalité), c'est que les défenseurs du fort se battaient également pour défendre les droits de l'esclavage, mais chut je ne vous ai rien dit. J'appelle cela la magie du cinéma américain.

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le 12 janv. 2020

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