Quoiqu'on en dise, quoiqu'on en pense, Le Diable n'existe pas, ou Il n'y a pas de Diable si l'on traduit le titre original Persan, est un film important. Et son réalisateur est bien courageux.
Car réaliser un film dont le titre prétend que "il n'y a pas de Sheitan", dans un pays profondément religieux (La République Islamique d'Iran) c'est courageux.
En effet, nier l'existence du Diable revient à nier l'existence de Dieu.
Mohammad Rasoulof est d'autant plus courageux qu'il remet en cause son gouvernement et ses principes.
Cela lui a d'ailleurs valu d'être convoqué pour interrogatoire, et faire un séjour un prison, l'empêchant ainsi de récupérer un Ours d'or à Berlin amplement mérité.
Je suis allé le voir sans rien en savoir, l'impact en fût d'autant plus grand. Surtout à l'issue de la première histoire...
Mohammad Rasoulof met habilement en place les choses, non seulement pour sa première histoire, mais aussi pour l'ensemble du film, car tout est brillamment tissé. Rasoulof prend son temps, montre le quotidien d'une famille iranienne ordinaire. On se dit :"ça n'a pas l'air si terrible de vivre en Iran". Mais finalement, tout ceci est comme le mur d'enceinte du mystérieux lieu de travail de notre héros : une façade.
Car on voit bien qu'en son for intérieur, quelque chose cloche chez notre héros. Mohammad Rasoulof nous le fait sentir subtilement par d'infimes petits détails.
La conclusion de ce chapitre est une des plus grandes claques que j'ai prises au cinéma.


Un grand BLAM comme le bruit d'une trappe qui s'ouvre...


Aussi inattendu que percutant.
C'est d'autant plus percutant que cela suit une scène à l'image du reste, nous montrant quelque chose d'aussi banal que de se verser une tasse de café... En prenant son temps.
La séquence suivante fera écho à la première, et ainsi de suite jusqu'à une conclusion bouleversante.
Les intrigues sont ficelées avec brio, pour soulever des questions profondément humaines, et proposer finalement pamphlet filmé contre un état autoritaire, opprimant les femmes (souligné par la jeune femme venue d'Allemagne ne s'habitue pas au voile), et surtout qui brise les hommes, les obligeant à obéir aveuglément, et à devenir des bourreaux.
Chaque homme est un bourreau en puissance, qu'il le veuille ou non. Et s'il résiste, il est condamné à vivre comme un paria.
Tu veux trois jours de Perm ? Rien de plus simple : pousse un tabouret...
Là où Mohammad Rasoulof est très fort, c'est qu'il ne juge pas ses personnages. Celui qui, par la force des choses, obéit de son plein gré, pour faire vivre sa famille, est-il pour autant mauvais ? La première séquence donne des éléments de réponse.
Il ne veut pas diaboliser les actes. Ils ne sont pas l'œuvre du Diable, ni de Dieu, mais bien des hommes, et surtout d'un État.
Je ne m'étendrai pas sur la question au sujet de la peine de mort, sur le fait d'ôter la vie, car finalement la réflexion porte sur le libre arbitre de chacun, sur la liberté de conscience et la liberté des actes de tout un chacun, et sur le fait que les puissants ôtent cette liberté.
Mohammad Rasoulof aime son pays, comme il le démontre avec les magnifiques paysages qu'il filme majestueusement. Il veut montrer à quel point son pays est beau. Certaines images sont extraordinaires.
La beauté des paysages faisant contraste avec la noirceur du système et de ses actes.
J'en suis ressorti complètement chamboulé.
Mohammad Rasoulof signe une œuvre profondément humaine et touchante.
Le Diable n'existe pas, toutefois, les hommes existent, et les conséquences de leurs actes aussi.

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le 12 déc. 2021

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titiro

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