Bizarrement, ce n’est pas avec Zaï zaï zaï zaï que j’ai découvert Fabcaro, mais avec ce film, Le Discours, de Laurent Tirard.
Bien sûr, j’avais entendu parler de cette BD absurdo-comique devenue phénomène, mais d’une seule oreille, sans vraiment m’y intéresser. Lorsque j’ai vu le film, je n’avais d’ailleurs pas réalisé qu’il s’agissait d’une adaptation d’un bouquin de l’auteur (bien que cela soit mis en avant sur l’affiche).
Ce n’est que quelques semaines plus tard, presque par hasard, que j’ai lu Zaï zaï zaï zaï. Dévoré serait un terme plus juste. En moins d’une demi-heure (oui, la BD se lit vite), cette BD est devenue l’une de mes préférées, et je me suis lancé dans la découverte de l’œuvre de Fabcaro : Et si l’amour c’était aimer, Open bar, Carnet du Pérou… C’est là que j’ai réalisé que Le Discours, l’un de mes films préférés de l’année, était une adaptation d’un bouquin de mon auteur du moment.
Ni une, ni deux, je lis le livre, signé sous son nom complet Fabrice Caro, et je l'adore également.


Revenons au film, ce petit développement pour en venir au fait que le long métrage de Laurent Tirard est sans doute l’adaptation cinématographique la plus fidèle que j’ai jamais vu. On y retrouve toutes les situations délicieuses du roman, les moindres détails. Du porte-serviette à la forme douteuse accrochée dans la cuisine au petit garçon au vélo rouge, de l’arbre à vœux à la tarte poires-chocolat, tout y est. Certains pourraient être déçus du peu de liberté prises par le réalisateur par rapport à l’œuvre originelle. Pour ma part, j’ai été séduit : tout est si incisif dans le bouquin, pourquoi en rajouter ? Pour la majorité des adaptations, cela mène généralement à un film qui paraît bien fade en comparaison. Prenez Harry Potter par exemple : des films dont la trame narrative prend souvent d’énormes libertés par rapport à l’œuvre de J.K. Rowling, et qui n’arrivent pas à la cheville des bouquins.


Le Discours, c’est quoi ? Basiquement : un dîner de famille. Les parents, la sœur Sophie et son futur mari Ludo, et Adrien, le personnage principal, névrosé au stade ultime. Adrien est perturbé, il a envoyé un message à Sonia à 17h26, il est 20h passé et bien qu'elle ait vu son sms, elle ne lui a pas répondu. Sonia, c’est sa petite amie, mais la situation est compliquée depuis qu’elle lui a déclaré il y a bientôt un mois qu’elle avait besoin « d’une pause ». Pour ne rien arranger, Ludo, le futur gendre, demande d’un air tout à fait détaché à Adrien de faire un discours pour leur mariage. C’est plus que la névrose d’Adrien ne peut supporter.


Réaliser un film entier sur un banal dîner de famille, et réussir à captiver le spectateur à ce point, relève du tour de force. Laurent Tirard n’en est pas à son coup d’essai, Le Petit Nicolas, Astérix au service de sa Majesté, Un homme à la hauteur, tous ses films mêlent adroitement une mise en scène solide et un humour absurde assez fin. Je suis un de ceux qui aiment beaucoup Le Retour du Héros, n’en déplaisent aux détracteurs de Mélanie Laurent.


Le Discours navigue avec malice à la limite entre pièce de théâtre et cinéma. La comparaison avec Le Dîner de Cons semble évidente : malgré une quasi-unité de lieu et de temps, le texte sur lequel s’appuie le film est tellement palpitant, vivant et drôle que le spectateur reste scotché et émerveillé.
Les apartés brisant le quatrième mur, la finesse du comique (on est ici loin d’une grosse comédie qui tâche) et l’absurdité débusqué dans de simples petites actions de tous les jours m’ont fait penser aux petits riens que décrit si bien Philippe Delerm dans ses recueils (si vous ne connaissez pas, foncez lire La première gorgée de bière).
Je suis ressorti de la salle de projection rasséréné, avec la folle envie de m’exclamer « Mais quel génie ! ».


Pour finir, Benjamin Lavernhe est excellent. L’acteur de la comédie française est en train de se frayer une place de choix parmi les acteurs français les plus en vue. Très bon dans Antoinette dans les Cévennes, je n’ai qu’une hâte : le retrouver dans The French Dispatch, le prochain Wes Anderson.


Le film a reçu le Label, amplement mérité, Cannes 2020.
Avec la situation critique des cinémas actuellement, La sortie du Discours a malheureusement été plusieurs fois repoussé. Il me tarde de pouvoir revoir le film dans une salle obscure, de pouvoir en discuter et en débattre, car c’est vraiment le genre de films dont on a tous besoin en ce moment !
Reste à voir si Zaï zaï zaï zaï, l'autre adaptation cinématographique (par le réalisateur François Desagnat et avec Jean-Paul Rouve dans le rôle principal) d'une œuvre de Fabcaro, prévu également pour le courant de l'année, sera de taille. Quite a challenge !

D-Styx
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le 14 janv. 2021

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D. Styx

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