Depuis quelques jours, la sens-criticosphère est en ébullition devant le nouveau Paul Thomas Anderson Une bataille après l’autre. Nombreux crient au génie, beaucoup considèrent le long métrage comme l’indéniable meilleur film de l’année, tous s’accordent pour dire qu’il s’agit d’un sérieux prétendant aux Oscars. J’étais très curieux de découvrir cette grande fresque – 2h40 tout de même ! – qui fait couler tant d’encre.

Peut-être me l’avait-on un peu trop survendu : je n’ai pas eu l’effet waouh que j’espérais. Une bataille après l’autre est un très bon film, excellent même, qualitativement l’un des meilleurs de l’année ; mais non, le nouveau PTA ne surnage pas loin au-dessus du reste de la production 2025. La semaine dernière, Sirât m’a par exemple beaucoup plus impressionné par sa maestria, sa puissance et son uppercut cinématographique.

Cela étant dit, je n’ai pas boudé mon plaisir devant ce film magnifique et intense. Les thèmes politiques sont brillamment développés, l’action et les cascades sont au rendez-vous, et certaines séquences sont jubilatoires.

Plusieurs parties se dessinent dans ce Une bataille après l’autre – mais heureusement le cinéaste nous évite le poussif et facile chapitrage –, qui s’étale sur 16 années. Nous suivons le personnage de Bob, révolutionnaire paranoïaque membre des « French 75 », un groupuscule activiste qui s’élève contre l’injustice du gouvernement et de la police. Lors d’une opération pour délivrer des clandestins mexicains, il rencontre et tombe amoureux de Perfidia, afro haute en couleur. Avec elle, il aura une fille, Willa. Mais le vent tourne pour les French 75, et Perfidia se fait capturer par le vil colonel Steven Lockjaw, le grand méchant de notre histoire. Pour sauver sa peau, Perfidia devient une balance et contraint ses amis, son compagnon Bob et sa fille à se cacher et à changer de vie. 16 ans plus tard, sans crier gare, le tenace Lockjaw retrouve leur trace et les vieux démons refont surface…

Beaucoup s’extasient sur le casting… et il y a de quoi ! Leonardo DiCaprio, qui interprète Bob Ferguson, est comme toujours magistral. Le rôle de vieux patachon paranoïaque et alcoolique lui va comme un gant. Entre dépravé et désenchanté, on est loin du sex symbol de Titanic. Son rôle est ici plus proche du bougon de Killers of the flower moon. A ses côtés, Benicio del Toro est irrésistible en patron de réseau clandestin. Son humour pince-sans-rire fait du bien, et c’est toujours un immense plaisir de le voir apparaître à l’écran. L’antagoniste, le militaire Lockjaw, est tenu par Sean Penn. J’ai entendu plusieurs personnes réclamer un Oscar pour sa prestation. C’est vrai qu’avec son képi, ses tics de lèvres et sa démarche claudicante presque robotique, il offre à son personnage une aura repoussante, à la limite de la monstruosité. Mais j’ai trouvé que c’était presque too much : Sean Penn flirte ici avec la caricature. Le reste du casting est également très bon, même si Chase Infiniti, qui interprète Willa la fille de Bob, est par moment un peu effacée. Notons qu’avec les suprémacistes Blancs, il est généralement facile de tomber dans la caricature ; mais ici (hors Sean Penn) il n’en est rien, le cinéaste évite cet écueil avec brio.

Que l’on aime ou pas le cinéma de Paul Thomas Anderson, ses mises en scène sont toujours impeccables. On retiendra de ce Une bataille après l’autre des scènes d’action saisissantes, notamment lors des descentes de police, chez Sensei ou au couvent, et une manière de filmer la route – ces fameuses voies rectilignes qui traversent le désert – rarement vue au cinéma.

Le long métrage connait un démarrage solide dans nos salles – le meilleur en première semaine pour un Paul Thomas Anderson avec plus de 400 000 entrées –, et devrait malgré sa durée aisément dépasser la marque de There will be blood, l’actuel plus gros succès du réalisateur. De bon augure pour la saison des récompenses qui approche : et on lui souhaite tout le meilleur !

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il y a 7 jours

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D. Styx

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