Il aura fallu que notre bon Manuel Valls, comique reconnu devant l’Eternel et accessoirement ministre de la Censure, de l’Inquisition et de l’Intérieur signe une lettre de cachet pour embastiller Dieudonné, pour que je me dise que j’en avais assez que des costards-cravates pensent à ma place d’autant que dans le genre comique, Manuel Valls est un spécialiste, il le porte sur son visage. A moins bien sûr que mon ministre préféré ne se soit posé en agent marketing de Dieudonné, auquel cas c’est fort réussit. Toujours est-il qu’il s’agit là du premier spectacle de Dieudonné que je vois et je peux vous assurer que sans le petit épisode digne du Patriot Act que nous venons de connaître, je n’en aurais surement pas vu un seul.
Etrangement ni frange au front, ni petite moustache au sortir du visionnage, mon bras ne s’est pas levé au ciel et je n’ai pas la bave aux lèvres à chaque étoile de David que je croise, c’est vrai aussi que je n’en croise pas souvent. Juste un spectacle qui m’a fait beaucoup rire, qui m’a rappelé une époque bénie où certains humoristes se donnaient la peine de regarder le monde qui les entoure autrement qu’à travers le regard d’adolescentes nommées Kevina (coup bas, je sais). Aujourd’hui le consensus mou domine, le peu d’entre eux qui essaie d’exprimer une opinion qui détonne ne vit que par le bouche à oreille et n’a aucun accès médiatique. Le politiquement correct érigé en dogme sévit jusque dans les entreprises, je parle par expérience, on n’y dit plus handicapés mais personnes en situation de handicap. Ne dites pas à votre direction qu’elle sourde à vos demandes ou autiste, un procès vous attendra au bout.
Oui c’est vrai, Dieudonné tape très fort, mais j’aimerais vraiment qu’on m’explique ce qui permet de confondre le message et le messager. Le propos est misogyne, anticlérical, mais prend pour héros des abrutis congénitaux, totalement incultes pour lesquels avoir son brevet des collèges revient à avoir fait des études. C’est tranchant, saignant, ça fait souvent mal et on rit souvent jaune, mais que ça fait du bien de voir autre chose que tous ces types qui vous font rire en vous parlant des poils qui leur poussent aux pattes. Et si Dieudonné s’en prend à Israël, c’est sous l’angle des fanatiques orthodoxes et de l’armée quasi-institutionnalisée dans cet état.
Sans comparer un instant son talent à ceux d’un Desproges ou d’un Coluche, il reste qu’aujourd’hui des artistes qui se permettraient comme Brassens de dire « mort aux vaches » aux gendarmes, ou comme Desproges en parlant des juifs déportés : « qu’est-ce que c’est que ces wagons sans banquettes ? Et je vais à la douche si je veux ! », tous ces artistes recevraient la même lettre de cachet. Sans doute que Dieudonné a dérapé, c’est le risque inhérent à ce type d’humour, mais il y a fort à parier que le problème Dieudonné est plus lié aux sujets qu’il est le seul a abordé sur scène qu’à la manière qu’il a de les traiter. Si Desproges face à Jean-Marie Le Pen, lors d’un mémorable Tribunal Des Flagrants Délires, avait réussit à démontrer que l’on peut rire de tout avec tout le monde, on peut de demander si, au nom de la protection des minorités (qui ressemble fort à du communautarisme), nous ne sommes pas en train de réduire à peau de chagrin cette liberté d’expression qui protège ni plus ni moins que les libertés d’opinions religieuses, politiques, syndicales et bien d’autres encore. N’attendez pas que nos hommes politiques recommencent à se la jouer critiques de Télérama et faites-vous votre idée, peut-être sera-t-elle bien différente de la mienne, mais au moins vous aurez renforcé cette liberté d’expression. Mais avec Le Divorce De Patrick, je pense que vous rirez beaucoup et que de chez moi je vous entendrai, à ce moment-là je penserai bien fort à vous, ravi d’y être peut-être pour quelque chose.
