Le Faubourg
6.9
Le Faubourg

Film de Boris Barnet (1933)

Chronique de la vie d'une petite ville russe de 1914 à 1918,pendant la Première Guerre Mondiale donc.Le film décrit alternativement l'existence sur le front des jeunes partis se battre et celle de leurs proches restés au pays.Autant le dire,sur le fond,il s'agit là d'une saloperie d'oeuvre de propagande à la gloire de la plus importante et plus meurtrière escroquerie idéologique de l'histoire de l'humanité,à savoir le communisme.Au moment où le film est tourné,en 1933,ce régime est installé depuis seize ans en Russie,à la faveur du coup d'état des bolcheviks plus connu sous le nom de Révolution d'Octobre 1917,et il n'est pas question d'en dire du mal.Boris Barnet relate donc le déroulement des faits en prenant bien soin de donner le beau rôle aux tenants du marxisme-léninisme.Mais il évite la fresque historique pour se concentrer sur le point de vue du petit peuple russe.Cette approche est assez habile car elle permet de très bien comprendre les évènements qui suivront.Les prolétaires russes,essentiellement des ouvriers et des paysans,commencent à ruer dans les brancards et à contester l'autoritarisme et l'inégalitarisme d'un pouvoir tsariste à bout de souffle quand survient la Guerre de 14.Ressoudés par le danger,russes d'en haut et d'en bas font front face à l'ennemi allemand,et les hommes partent au casse-pipe pleins d'enthousiasme.Mais la guerre s'éternise et la flamme patriotique se met à vaciller,parce que quelques années dans les tranchées à côtoyer la mort sous les bombardements,ça calme.Du coup,l'agitation sociale refait surface et Nicolas II est contraint d'abdiquer.Il est remplacé par un gouvernement socialiste qui commet deux erreurs graves en continuant de pactiser avec les capitalistes exploiteurs,industriels et grands propriétaires terriens qui se comportent en profiteurs de guerre,et en choisissant de poursuivre le conflit pour les favoriser et satisfaire aux alliances internationales du pays.A ce moment,le peuple était mûr pour céder aux sirènes bolchéviques et soutenir la bande à Lénine et Trotsky,qui promettait la fin de la guerre et la redistribution des richesses.Avec le recul et sachant ce qu'on sait aujourd'hui,il y a de quoi rigoler mais,à l'époque,ça paraissait être une bonne option.Seulement,toute structure sociale est hiérarchisée et on peut toujours changer ceux qui tirent les ficelles,les ficelles sont encore là,et le nouveau marionnettiste se révèle souvent pire que le précédent.Cinématographiquement,Barnet fait du beau travail.Ses images des combats sont bluffantes de réalisme et sa description naturaliste de la misère du peuple impressionne.Au passage,on découvre que les taudis et les logements collectifs n'ont pas attendu l'ère stalinienne pour proliférer.Mais là où le cinéaste se démarque,c'est par son style très particulier.Il décrit des faits historiques et tragiques mais mêle à sa narration des éléments comiques,allant jusqu'au burlesque,dont il parsème le film.Et les personnages sont d'incroyables caricatures.Tous,à l'exception du charismatique et courageux ouvrier-soldat Kolya,symbole du communiste idéal,apparaissent comme de vrais demeurés,s'agissant des prolos,ou des stéréotypes ridicules,pour ce qui est des dirigeants.Et c'est là qu'on se pose des questions quant aux intentions réelles de Barnet.Propose-t-il vraiment une ode au totalitarisme,ou contourne-t-il vicieusement la censure en insérant en creux dans son film une critique de l'état soviétique?Au fond,n'est-il pas en train de stigmatiser la bêtise du peuple,ces pauvres gens se faisant éternellement pigeonner en fonçant tête baissée dans tous les panneaux qu'on leur tend?Il faut en convenir,ils ne sont pas très malins.Ils se font baiser,re-baiser,et ils en redemandent.Et ce patron d'une usine de chaussures,avec son gros bide,son beau costume et ses appels scandaleux à continuer cette guerre si propice à ses affaires,ne constitue-t-il pas une image exagérément cliché du capitalisme prédateur?Et ce syndicaliste social-traître,beau parleur qui parade à l'arrière en encourageant les autres à se faire trouer la peau,n'est-il pas un peu too much?Pas sûr en outre que le pouvoir ait vraiment apprécié l'ironie sous-jacente avec laquelle est traité le patriotisme.Tout ceci est suffisamment ambigu pour qu'il soit difficile de trancher quant aux objectifs du réalisateur,et il appartiendra à chacun de se faire une opinion.

pierrick_D_
5
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le 15 août 2017

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