Pendant le premier âge d’or du cinéma Hollywoodien, disons arbitrairement de l’instauration du code Hays en 1934 jusqu’au déclin des studios au début des sixties, le cinéma Américain a excellé dans les trois grands genres devenues pour deux d’entre eux marginalisés pour ne pas dire désuets ; le western, la comédie musicale et le film noir. Ce dernier est certainement celui qui a le mieux traversé les âges et les frontières. De Melville à James Gray en passant par les frères Coen, tous ont rappelé par une ambiance, des thèmes ou certains motifs ce genre en particulier.


A ses origines donc se trouvait ce Faucon Maltais, classique par excellence et ceci à tous points de vue. En effet, il marque d’abord par sa simplicité quasi didactique. A l’instar de la littérature policière d’Hashmett (auteur du livre éponyme) ou de Chandler (The big sleep), tout le film est du point de vue du détective Spade (Bogart) à l’exception du meurtre de son coéquipier Archer. Il s’agira alors pour le spectateur, complètement identifié à Bogart, de résoudre l’enquête, le Whodunit. Filmé à sa hauteur d’homme à l’inverse des gangsters en contre-plongée, il investit les lieux et contrôle chaque scène. Les rares gros plans apportent toujours une nouvelle information et sont là pour assurer les transitions vers les nouveaux lieux (Belvedere, l’appartement, la Palona).


De ce didactisme formel et scénaristique, il s’agira de s’extraire. Cela passera évidemment par les personnages, vénaux et menteurs à souhait. Au cœur de l’intrique, le faucon fait guise de McGuffin par excellence et déchaine toutes les passions. Pour l’atteindre, tout est affaire de faux-semblants les personnages étant tous acteurs, plus ou moins bon.


Sam Spade est le professionnel par excellence entièrement dévoué à sa tâche, les sentiments ne devant jamais entrer en jeu. Toute attache est possible source de trahison dirait-il facilement. Dépouillé de tout glamour, le premier film de Huston est déjà un anti film noir comme une déconstruction de sa propre légende. On désarme trop facilement des gangsters qui s’avèrent être de parfaits incapables. Le sujet du film est là ; des personnages qui échouent sur toute la ligne. 17 ans de recherches et quelques meurtres pour une simple copie du faucon. Ce dernier est le symbole d’une quête qui n’a pas de sens. S’agit-il alors d’abandonner ? La fin justifie-t-elle les moyens ? La vérité vaut-elle la légende ?
La célèbre phrase finale cristallise toutes ces questions : « It’s the stuff that dreams are made off.» En d’autres termes, les rêves par définition n’ont aucune base ou certitude d'accomplissement mais les hommes persistent tout de même. L’épure du film est celui de sa morale. Qui a tué ? La révélation du meurtre préliminaire est de nouveau un énorme soufflet. On notera par ailleurs la précision et la simplicité du découpage de la scène de meurtre. En trois plans Houston distille toutes les informations nécessaires : qui est mort, comment, où et surtout le fait que la victime connaissait le meurtrier.


A Spade/Bogart de conclure son enquête en ayant bien pris soin d’étouffer tout sentiment. Simplement témoin de la noirceur de l’Homme et surtout de sa petitesse. Après avoir quitté le plan donc le film, on l’imagine très bien réitérer cette expérience.

Sordi
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le 7 déc. 2017

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