Souvent comparé au "Godfather" de Coppola, évidemment à son détriment, "Le grand pardon" d'Alexandre Arcady n'a pourtant pas grand chose à voir avec son aîné, sorti dix ans plus tôt.


Certes, il y a cette peinture d'une voyoucratie familiale, sur un sol qui n'est pas le sien à l'origine, puisque les Bettoun sont des pieds-noirs débarqués en France en 1962, tandis que les Corleone sont des immigrés italiens.
Il y a également en commun cette séquence d'ouverture interminable lors d'une fête familiale (ici un mariage, là un baptême), qui parvient à caractériser efficacement l'ensemble des protagonistes.


Mais la comparaison s'arrête là, tant Arcady se fourvoie dans un récit policier confus et souvent invraisemblable, là où Coppola signait une fresque familiale ample et réaliste.


D'ailleurs la première heure du "Grand Pardon" est clairement plus convaincante que la seconde : on est d'abord embarqué dans cet univers atypique, fasciné autant qu'agacé par la présence charismatique de Roger Hanin en patriarche omniprésent.
On constate bien quelques fautes de goût ici ou là, mais l'ensemble reste plaisant, le temps de faire connaissance avec l'immense distribution convoquée par Alexandre Arcady, qui ne réalise pourtant que son deuxième long-métrage, après l'attachant mais brouillon "Coup de sirocco".


Si ce premier film décrivait l'arrivée en France des "expatriés d'Algérie", "Le grand pardon" s'intéresse à la suite vingt ans plus tard, lorsque cette génération s'est définitivement implantée sur le sol métropolitain (ici illégalement), et que ses descendants sont sur le point de prendre le relais.


Autour de Roger Hanin, il y a donc ses fils, légitime (Richard Berry) ou non (Gérard Darmon), ses hommes de main (Jean-Pierre Bacri, Sam Karmann), ses concurrents (Robert Hossein, Bernard Giraudeau), ses opposants (Jean-Louis Trintignant en flic opiniâtre tendance facho), sans compter Richard Bohringer en tueur psychopathe, plus Clio Goldsmith et Anny Duperey pour la touche féminine.
En dépit de ce casting de folie, l'interprétation reste assez inégale, mais ce rassemblement de stars confère forcément une certaine ampleur au projet.


Dans la deuxième heure de film, Arcady multiplie en vain les thématiques abordées (la filiation, la trahison et le pardon, la relation Juifs-Arabes...) noyées dans un improbable récit policier où règnent la confusion, quelques longueurs et deux-trois grosses ficelles scénaristiques.


Malgré tout, j'accorde la moyenne au "Grand pardon", grosse production de cinéma populaire à la française des eighties (j'ai un faible pour ce type de raretés), qui bénéficie d'une mise en scène ambitieuse quoique approximative, et qui se distingue par un certain nombre de scènes marquantes, à l'image de son dénouement mémorable.

Val_Cancun

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