L'un des films les plus sombres, les plus désespérés qu'on puisse imaginer. Corbucci, démolit ce qu'il reste du rêve américain. Rêve, nous dit-il, des chasseurs de primes et de la corruption. Chez Leone, il y avait encore l'ironie et le triomphe d'une certaine humanité.
Le Grand Silence est un film d'ambiance. La musique de Morricone est d'une sobriété implacable et déchirante. Elle accompagne ces travellings sur les chevauchées des chasseurs de primes dans la neige. La neige, élément esthétique symbolisant les relations entre les personnages avec lequel Corbucci joue. La blancheur qui n'en révèle que mieux la noirceur totale dans laquelle ces personnages évoluent. Des images, sorties d'un cauchemar frappent la rétine du spectateur: vols de corbeaux, vieux cimetières primitifs, etc... Et cette bourgade désolée.
Klaus Kinski est l'un des personnages de "méchant" les plus effroyables de l'histoire du cinéma. Son cynisme qui fait bon ménage avec son sadisme , et ces éclairs de violence qui se révèlent tout d'un coup. Toute l'ironie du cinéaste se révèle ici : personne ne lève plus la voix contre cette tyranie. Le seul se dressant contre une telle horreur est muet. Trintignant, excellent, en retenue, avec son visage marqué qui exprime toutes les souffrances, dernier repère moral.
Ce que l'on reproche habituellement au western spaghetti, comme les zooms ou l'outrance sont ici habilement dosés, pour un film qui n'en fait jamais trop. Le Grand Silence fait partie de ces films pas si nombreux qui représentent la violence dans toute son horreur. Au delà du duel final, il y a ce plan, où Tigrero abat froidement une prostituée . Dans le même plan, la cinéma avance, suit Kinski, tandis que la prostituée s'effondre devant le champ de la caméra. La caméra continue d'avancer. Cette scène représente toute une idée de fatalité qui imprègne le film. cette fin terrible est constamment annoncée; elle est inexorable.
Bien sûr, le propos est politique. L'état est représenté par les chasseurs de primes, les shérifs sont abandonnés. Les villes sont corrompues: il n'y a que des notables corrompus et des bordels. les pauvres sont poussés à la criminalité pour finalement être tués par des chasseurs de primes pour des sommes dérisoires. On peut reprocher à Corbucci d'être caricatural dans son propos, mais ce point de non-retour devait être effectué dans le western-spaghetti, comme séparation totale par rapport au western américain. Son film est un véritable choc: difficile d'oublier le sourire cruel de Kinski, ces paysages désolés de montagne, cette mélodie obsédante de Morricone.


Si il y a un film qui réprésente a fatalité et le désespoir, c'est bien Le Grand Silence.

Oktaf
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le 17 févr. 2016

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