Au vu de la bande-annonce, on pouvait craindre le pire : acteurs jouant à blanc, enfant noir sans-papiers, Jean-Pierre Darroussin, lumière glauque, ça sentait le rance. La délocalisation d'un cinéaste si ancré dans son terroir, en général ça provoque des catastrophes.
Et bien ces gens qui ont fait la bande-annonce sont des criminels. Un miracle de Noël a fait que malgré eux, je suis allée au cinéma et j'ai eu raison. Bon, ça se passe au Havre, forcément on a un peu envie de se tirer une balle au début. On se dit que ça ne va pas passer, le côté fifties de Kaurismaki, ça va bien quand c'est en Finlande, parce que c'est exotique, mais là, non. Et si, la transplantation opère doucement mais sûrement. Kaurismaki est comme son personnage cireur de chaussures : il regarde avec circonspection ce monde où tout le monde porte des baskets, mais y entre de plain-pied. On est donc dans un conte, mais qui ne refuse pas le réel.

Marcel Marx, cireur de chaussures fauché, vit dans un quartier très populaire, entre la boulangère, la tenancière du bistrot et le marchand de fruits et légumes. Sa femme tombe malade et doit être hospitalisée; au même moment, il croise la route d'Idrissa, petit garçon sans-papiers. Filmé par quelqu'un d'autre, la suite de l'histoire sombrerait dans le cucul en deux minutes : la solidarité s'organise pour aider Idrissa à échapper à la police et à à gagner Londres pour y rejoindre sa mère. Dans une scène glaçante, Marx se rend dans un centre de rétention à Calais, à la recherche de la famille du petit garçon. La scène fonctionne par le simple choc visuel des deux univers, dans une économie de dialogues et de mise en scène exemplaire.
J'ai un peu moins aimé les apparitions de Jean-Pierre Léaud, fugace mais pénible vu son état, et du rocker havrais Little Bob (encore un temps que les moins de vingt ans ont la chance de ne pas connaître) dans son propre rôle, le concert est inutile et pas très réussi, mais c'est un détail car du film reste une impression d'humanité sans pathos, de dénonciation sans cris, de poésie et d'humour dans un monde de brutes.
Gizmo
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le 2 janv. 2012

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