Les aventures du Hobbit arrivent à leur terme, après que Peter Jackson ait laissé monter la pression par le biais d’un second opus qui se terminait d’une certaine manière à la limite du sadisme. Un troisième et ultime opus qui vient clore une trilogie qui aura su faire couler beaucoup d’encre parmi les spectateurs, certains ayant été aux anges jusque-là, d’autres n’étant toujours pas convaincus par l’entreprise d’adapter un livre de 300 pages (environ) en trois longs films. Si ce dernier argument n’était qu’une question de point de vue, il va pourtant se révéler être unanime aux yeux de tous, cette fameuse Bataille des Cinq Armées se présentant comme l’épisode le moins réussi de la saga (Le Seigneur des Anneaux y compris).

Comparer Le Hobbit avec l’autre trilogie a toujours été une réaction absurde. Certes, Peter Jackson a réalisé l’intégralité des films en reprenant la même équipe de tournage et des décors similaires. Mais les deux histoires de base étaient en tout point différentes : Bilbo le Hobbit se présentait sous la forme d’un conte pour enfants (d’où la légèreté de l’ensemble et quelques chansons rigolotes), Le Seigneur des Anneaux se montrait plus mature, plus violent (l’atmosphère y était beaucoup plus sombre). Que la saga du Hobbit n’ait rien à voir avec la première, c’est normal voire fidèle aux œuvres elles-mêmes. Seulement, avec ce film, Peter Jackson devait à tout prix établir la connexion avec Le Seigneur des Anneaux, faisant de cette comparaison une évidence qui va lui être fatale.

Non pas que le long-métrage soit mauvais, loin de là. Avec ce troisième opus, Peter Jackson a voulu se montrer généreux niveau spectacle, le changement de titre (Histoire d’un aller et retour à La Bataille des Cinq Armées) représentant parfaitement cette ambition. Du coup, le film démarre aussitôt là où le précédent avait laissé le spectateur (l’attaque de Lacville par Smaug) pour continuer sur la préparation de ladite bataille qui va occuper une place importante dans cet épisode (soit 75% de son contenu) jusqu’au dénouement tant attendu. Et question action et autres moments héroïques, le film n’en manque aucunement. Peter Jackson prouve une fois de plus qu’il est passé maître dans l’art du divertissement en arrivant à proposer des séquences sur le papier invraisemblables (dont les cabrioles de Legolas) tout bonnement récréatives et jouissives. Le tout servi par de bons acteurs qui rendent leur personnage respectif attachant (la mort de certains vous toucheront), des effets spéciaux de qualité et une bande son exceptionnelle. D’autant plus que Jackson s’est (encore) permis quelques libertés avec le livre pour, justement, renforcer l’intérêt du spectateur vis-à-vis de l’histoire : le travail scénaristique des personnages (Thorïn, Bard, Tauriel…), la modification de certaines séquences pour les rendre plus palpitantes à l’écran… En somme, tous les ingrédients qui font un blockbuster de qualité sachant divertir !

Malheureusement, cette bataille va en décevoir plus d’un, à cause du scénario qui montre qu’adapter Bilbo le Hobbit en trois films n’était pas la meilleure des idées. Le Retour du Roi (la comparaison rentre en scène !) proposait une bataille somptueuse, celle-ci étant découpée de moments parallèles bien écrits et puissants qui renforçaient le côté spectaculaire de l’ensemble. La Bataille des Cinq Armées, c’est un affrontement qui s’éternise avec de simples duels (dont Thorïn face à Azog) prenant le pas sur la bataille principale (Peter Jackson ne semblant s’intéresser qu’à eux) et qui semblent avoir été ajoutés pour meubler le film (ce dernier n’ayant pas grand-chose à raconter), pour lui permettre d’atteindre une durée « rachitique » (par rapport aux films précédents) de 2h30 et se clôturer sur un dénouement expédié à la va-vite. En somme, La Bataille des Cinq Armées est un divertissement qui part dans tous les sens pour pas grand-chose et pour moins spectaculaire. La faute également aux effets numériques, toujours aussi beaux, mais qui atteignent ici leur limite : s’ils apportaient du charme et le côté enfantin des deux premiers opus, ils rendent la fameuse bataille moins crédible et donc moins palpitante qu’annoncée. Le long-métrage est peut-être devenu un peu plus sombre pour ce rapprocher du Seigneur des Anneaux, il ne lui arrive pourtant pas à la cheville, manquant singulièrement de souffle. Ni même à celle des séquences des autres opus, comme la dernière demi-heure de La Désolation de Smaug.

Le fait qu’il s’agisse de la version cinéma (la longue, qui proposera 30 minutes supplémentaires, devrait débarquer dans les bacs en novembre 2015) mais aussi de l’épisode le plus court renforce également le côté décousu et brouillon du film. En plus de s’éterniser sur la bataille, cette version balance aux spectateurs des invraisemblances qui seront (sans doute) corrigées dans la longue : le sauvetage de Gandalf à Dol Guldur, Thranduil envoyant son fils Legolas à la rencontre d’Arathorn, l’intervention des Aigles chevauchés par Radagast et Beorn, le fait que Bilbon rentre chez lui avec un coffre… Tous les films de la saga se sont présentés ainsi, mais jamais cela ne se voyait autant : les coupures sont visibles comme le nez au milieu de la figure, donnant l’impression d’avoir une version incomplète au possible. Pendant toute la durée du long-métrage, vous n’arrêterez pas de vous dire « pourquoi ce personnage apparaît/disparait dans l’histoire sans prévenir ? » ou encore « cette scène était-elle vraiment nécessaire ? ».

Le film est beau et remplit son cahier des charges avec savoir-faire. Peter Jackson, en tant que créateur de divertissements, n’a plus rien à prouver, sans l’ombre d’un doute ! Mais contre toute attente, La Bataille des Cinq Armées n’est pas la conclusion que le spectateur était en droit d’attendre. Au lieu d’avoir le graal en matière d’heroic fantasy, il se retrouve avec un film bancal et pas aussi généreux qu’il prétendait l’être. Un adieu à la Terre du Milieu assez décevant, qui peut encore se rattraper avec sa version longue. Mais à cause de cet opus, il est enfin clair que la trilogie du Hobbit n’a pas su rivaliser avec celle du Seigneur des Anneaux, et c’est fort dommage. Peut-être que l’attente était un peu trop forte. Il n’empêche que le résultat est là…

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le 10 déc. 2014

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