Dans ce film, la réalisatrice explore la solitude d'une femme isolée qui s'est réfugiée dans une secte pour tenter de donner du sens à sa vie. La solitude est ainsi le thème principal de ce film, mais ce n'est pas pour autant le seul thème. La question de la famille, du besoin de sens, du rapport aux autres, sont autant de sujets connexes qui sont plus ou moins développés.
Si dans l'ensemble, j'ai bien aimé le film et n'ai pas vraiment eu du mal à rentrer dedans, certains points m'empêchent de passer de "bien aimer" à vraiment "beaucoup aimer". Je pense que l'un de ces éléments, c'est la façon d'utiliser la caméra. Celle-ci est souvent fixe, très économe en mouvement, et quand mouvement il y a, ils sont très calculés et lents. Cela donne un côté très contemplatif et, même si je ne suis pas friand des caméras fixes, c'est parfaitement cohérent avec le film en lui-même. Cette rigidité reflète celle de l'état d'esprit de Yoriko. D'ailleurs, l'un des seuls moments où la caméra bouge vraiment, c'est à la fin, quand Yoriko quitte son propre état d'esprit justement, pour une pensée plus libre. Ainsi, le ne suis pas fan du procédé choisi mais il est parfaitement appliqué et je ne peux pas le reprocher à la réalisatrice.
Cette caméra pragmatique témoigne aussi de la recherche du calme intérieur de la protagoniste. N'ayant aucun contrôle sur sa vie, ayant sans doute paniqué après Fukushima et le départ soudain de son mari, elle s'est réfugiée dans une secte qui se concentre sur l'eau. Les scènes dans la secte sont assez comiques du point de vue du spectateur, mais un comique un peu amer. On a quand même un peu d'empathie pour Yoriko, et on comprend aisément qu'elle a dû se faire extorquer une généreuse somme d'argent (la quantité de bouteilles d'eau de la secte qu'elle a chez elle !!), donc quand on la voit dedans, on veut lui dire de fuir. Mais. Car il y a un "mais". Tout n'est pas simple, sinon le film serait une comédie sans plus d'intérêt. Ce "mais", c'est le regard des autres personnages : son mari, qui revient subitement, son fils, qui a quitté le domicile, et l'une de ses collègues. La dynamique entre les personnages révèle une assez grande force d'écriture dans le film. Le mari n'est jamais juste "le gros c**" qui est parti sans prévenir. Il l'est, on va pas se mentir. D'une part, ce mari sert de ressort comique pour plusieurs scènes (il est le gros sac un peu sale qui vit dans une maison impeccable) et d'autre part, il est le personnage qui va exploiter les faiblesses de Yoriko, les souligner, et être un autre regard sur sa vie. Les autres personnages arrivant, Yoriko va être de plus en plus confrontée aux limites de "son mode", car chacun va lui apporter d'autres perspectives, d'autres expériences, et ses croyances vont s'effriter, sans que les personnages ne passent leur temps à lui parler de ses torts. C'est leur présence seule et des évènements ordinaires qui vont bousculer notre protagoniste.
Ce traitement est d'autant plus intéressant que, comme toutes les sectes, celle du film mise sur l'isolement et la fragilité des personnages. Ainsi, elle sert de prétexte à traiter cette question de la solitude, avec cette femme sans famille et sans amis qui, en plus de cela, est en pleine ménopause. Elle a les nerfs à vif. Autre aspect intéressant dans le traitement des personnages et de l'arc narratif de la secte : en dehors d'une scène plus abrupte, il n'est jamais question pour le film de se moquer de Yoriko. Personnellement, j'ai davantage ressenti de la pitié pour elle dans ces scènes. Quelques autres moments sont plus légers (sa façon de salir la brosse à dent de son mari pour se venger) et seule une scène rend Yoriko "mauvaise" : la dernière avec sa belle fille. Attention spoiler :
La belle fille de Yoriko est sourde et a du mal à parler. Cela engendre deux scènes où Yoriko est mauvaise : quand elle dit à sa collègue qu'elle, au moins, elle a fait un enfant normalement constitué et qu'elle ne veut pas de ces gènes ratés dans sa descendance, et quand elle dit à sa (future) belle-fille qu'elle ne veut pas d'elle dans sa fille, puis l'invite dans une réunion de sa secte comme caution morale et "prier pour ces gens là" (les handicapés en général). Tout cela est révélé devant son mari et son fils qui, on les comprend, explosent. La question est alors de savoir si elle voit la jeune fille comme cela d'elle-même, ou si c'est la responsabilité de la secte ?
Bon, je ne vais pas revenir sur chaque scène, mais je réalise en rédigeant cette critique que chacune d'elles a quelque chose à dire de nouveau, ce qui le rend bien plus facile à apprécier. Pourtant, en sortant du film, j'avais réellement le sentiment qu'il manquait quelque chose. Je pense que ce sentiment vient de ce que je m'attendais à une autre approche du sujet. Je ne peux pas reprocher à la réalisatrice d'avoir fait ses choix qui sont logiques et cohérent. Et j'ai beau chercher, je ne vois pas vraiment comment dire du mal du film si ce n'est qu'il est peut-être un peu trop long (10 minutes de moins, je pense qu'on ne perdait rien) et que cette caméra très fixe n'est pas mon style. Je vais continuer de réfléchir au film, ce qui indique déjà qu'il a réussi quelque chose !, et au besoin, je viendrai compléter cette première critique.