"Est-ce que j'ai une gueule à faire l'amour à des souvenirs ?". La réplique d'Arletty
détonne dans ce film au sommet du réalisme poétique, ou comme Marcel Carné l'aurait dit lui-même du "fantastique social", et y a, à la fois, toute sa place. Personnage fantastique, elle incarne le réalisme qui cache une tendresse. La tendresse c'est Jean Gabin, qui en ours bien léché, ne peut plus supporter la pression psychologique d'un autre homme qui est incompréhensible pour lui, un orphelin qui se tue au travail, amoureux d'une autre fille de "l'assistance", la jeune Françoise, courtisée par cet autre homme, interprétée par la compagne de Prévert, auteur du scénario. Elle est, au passage, un cran en dessous des autres acteurs.
Le film fustige en douceur le travail, bourreau des ouvriers, les beaux messieurs qui tuent avec l'ego et le temps, égratigne la police est ses lourdeurs (à tel point qu'une scène avait été coupée par le régime de Vichy) et nous montre la beauté de la loyauté et des amitiés prolétaires. Une histoire au procédé en avance sur son temps car le film se permet des digressions appelées plus tard "flash-backs". Le dernier plan justifie à lui seul de voir le film.