Le Limier est mon premier Mankiewicz, et je compte bien renouveler l’expérience car c'était épatant ! L'ensemble n'est pas parfait, mais tous les ingrédients sont réunis pour faire de ce huis clos un moment de cinéma mémorable.


Petite précision pour commencer : il ne fait pas se faire avoir par le titre et l'affiche, le film n'est pas du tout un policier. Il s'agit en fait d'un véritable combat de coq entre Andrew Wyke (Laurence Olivier) et Milo Tindle (Michael Caine) livré pour une raison que je tairai. L’œuvre prend la forme d'une joute verbale tantôt amicale tantôt hargneuse, articulée par le changement régulier du rapport de force entre les deux protagonistes. Ces pivots narratifs constituent de vrais retournements de situation, aussi il est préférable de ne rien savoir sur l'histoire avant le visionnage, car le moindre détail pourrait gâcher une surprise. Cette construction scénaristique renouvelle régulièrement l'intrigue et ne laisse qu'une seule question en suspend : "Mais qui aura le dernier mot ?".


Bien sûr, il faut de bons interprètes pour construire un huis clos de cette trempe. Les deux acteurs s'en tirent avec les honneurs, mais ils sont bien aidés par des personnages consistants. Le long-métrage permet l'analyse presque totale de leur personnalité en faisant le tour de leurs névroses et de leurs motivations. L'unique point commun entre les deux protagonistes est leur goût pour la malhonnêteté, dont le spectateur fait souvent les frais. À plusieurs moments, on ne sait plus qui croire, ou que croire dans ce qu'ils racontent, et le réalisateur ne se prive pas pour nous laisser dans le doute.


La mise en scène est discrète mais sait être efficace aux moments importants, en témoigne le montage de fin très rapide qui traduit la folie complète de la scène. Par ailleurs, la réalisation embrasse totalement l'aspect théâtre en ouvrant l’œuvre avec un rideau rouge et en présentant les deux hommes comme des silhouettes (ou des pantins) faisant partie d'un diorama. Ce thème du pantin ne me semble pas anodin puisque Mankiewicz a choisi de placer plusieurs automates dans le manoir de Wyke et d'en faire les témoins silencieux de l'action, à tel point que le réalisateur insère parfois des plans brefs sur ces machines entre deux répliques, comme pour montrer leur (non) réaction.


Le Limier commence doucement, avec un ton décontracté, et s'autorise quelques moment d'autodérision à propos des anglais. Mais une fois l'intrigue mise en place, l'ensemble devient de plus en plus tendu, de plus en plus oppressant. La construction du récit, la confrontation entre ces deux grands acteurs et sa mise en scène ingénieuse font de ce film un grand huis clos, qui vous trahira tôt ou tard, vous pouvez en être certain.

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le 29 janv. 2016

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