Je pensais vraiment que le film allait développer ce sur quoi il débutait, à savoir une sorte de mise en abyme de la figure d'Ivan Mosjoukine : on commence sur un prologue presque caricatural de cinéma à grand spectacle (décors, costumes, intrigue...), où Mosjoukine est tel un Douglas Fairbanks, charismatique, imposant ; c'est une figure irréelle, un pur personnage de fiction. Puis un coup du sort le force à se confronter à la "réalité", dans laquelle il n'y a plus ces décors et ces costumes. La rupture est saisissante ; c'est comme si Mosjoukine était brutalement expulsé hors de la caméra. Dès lors, les niveaux de lecture s'offrent presque d'eux-mêmes, ainsi que leur enchevêtrement : tel le "lion des Mogols", Mosjoukine est aussi un "personnage" haut en couleur qui a dû fuir son pays et rejoindre une patrie qu'il ne connaît pas et qui ne le connaît pas. La mise en abyme est quasiment toute donnée, il n'y avait presque aucun effort à faire. Or, curieusement, le film ne semble pas s'emparer de cette voie-là, et on se retrouve par conséquent avec simplement un film qui fait un honnête travail ; il y a certes quelques scènes où la mise en scène s'emballe (les fameuses scènes de bar et de voiture), mais ça ne va pas plus loin, et le reste demeure engoncé dans une banale histoire d'escroquerie, dont là encore le caractère allégorique n'est pas exploité (la "réalité" soumise à des intrigues bien plus viles et bien plus basses que les grands drames sanglants du cinéma à grand spectacle ; plus de trahison ou de hauts faits d'armes, mais simplement de tristes intérêts financiers à courte vue, et de vaines passions dérisoires). Bon, je concède que la fin vient un peu relever le tout : l'intrigue s'accélère, et pour le coup on a de vrais trouvailles de mise en scène, qui utilisent bien plus la scénographie et l'espace que l'image dans sa plasticité et sa forme (ce pour quoi Epstein est connu ; là, il est plus dramaturge qu'esthète).

Créée

le 8 mai 2020

Critique lue 130 fois

1 j'aime

Critique lue 130 fois

1

D'autres avis sur Le Lion des Mogols

Le Lion des Mogols
greenwich
7

Le lion des Mogols (1924)

Il s'agit d'un film muet en noir et blanc. Ce film a été restauré en 1966. La musique de Mathieu Regnault qui accompagne le film est superbe. Le début du film se déroule au Thibet ou règne un tyran :...

le 28 déc. 2015

1 j'aime

Le Lion des Mogols
Nom-de-pays-le-nom
5

Critique de Le Lion des Mogols par Nom-de-pays-le-nom

Je pensais vraiment que le film allait développer ce sur quoi il débutait, à savoir une sorte de mise en abyme de la figure d'Ivan Mosjoukine : on commence sur un prologue presque caricatural de...

le 8 mai 2020

1 j'aime

Le Lion des Mogols
Derrick528
8

Epstein et Mosjoukine : dépaysement garanti

Quelques mois après avoir découvert Ivan Mosjoukine dans "Le brasier ardent" (qu'il réalisa) et l'excellente mini-série "La maison du mystère", je l'ai retrouvé dans ce film de Jean Epstein. Le film...

le 2 août 2021

Du même critique

Black Mirror
Nom-de-pays-le-nom
1

Philosophie de "Black Mirror"

C’est une petite accroche publicitaire trouvée sur Facebook qui pourrait résumer à elle seule toute la série "Black Mirror". Il s’agissait d’une sorte de petit jeu interactif, sur smartphone, qui...

le 18 févr. 2017

51 j'aime

10

Le Bûcher des vanités
Nom-de-pays-le-nom
8

Une odyssée du sourire

Sourire crispé, sourire édenté, sourire parfait, sourire éclatant, sourire prétentieux, sourire assuré, sourire du coin de la commissure, sourire hypocrite, masque béat dont personne n’est dupe mais...

le 18 mai 2014

18 j'aime

2

Léon
Nom-de-pays-le-nom
1

Arnaque

Luc Besson constitue un des mystères les plus navrants de toute l'Histoire du cinéma : comment quelqu'un dépourvu à ce point de toute sensibilité artistique est-il parvenu à se faire reconnaître...

le 25 avr. 2014

17 j'aime

3