Je pensais voir une comédie légère et un peu déjantée comme Gondry a déjà pu faire, sur un réal qui bon galère un peu mais qui finit par monter son film et écrire en parallèle un "livre des solutions", eh bien ce n'est pas du tout ça.
Les bandes-annonces, les affiches, ou même le résumé ne vendait pas du tout le film dont il s'agit. Parce qu'en fait, c'est un film sur un artiste bipolaire, dont l'épisode maniaque lui rend impossible la finalisation de son film, et le fait sauter sans cesse d'idées en idées, toutes plus incongrues les unes que les autres. Et si le film a cette créativité visuelle propre à Gondry, et l'humour que les bandes-annonce et le casting annonçaient, il y a une tonalité bien plus sombre en fond. Après avoir regardé un peu son wikipedia, je vois que Michel Gondry a lui-même été diagnostiqué bipolaire et qu'il a manifestement connu des difficultés comparables durant la production de L'écume des jours.
C'est ce qui explique la grande justesse du film sur la bipolarité, son versant maniaque surtout (on ne voit qu'un petit bout de l'aspect dépressif). Le Marc joué par Pierre Niney est sans cesse parasité par des idées qui se mettent immédiatement à l'obséder et pour lesquelles il sacrifie tout, surtout son film. Evidemment, l'inventivité visuelle et l'artisanat de Gondry s'adaptent parfaitement à ça : cette forme sert bien ce fond.
Il y a de beaux moments de poésie (la scène de l'orchestre, l'histoire entre Marc et Gabrielle notamment) de belles idées visuelles donc, un regard juste et tendre sur un trouble pas bien connu. C'est aussi bien joué, si ce n'est que je trouve l'élément comique peut-être trop présent. On aurait dû rire, éventuellement, par l'incongruité de certaines idées et situations plutôt que par le jeu proposé par Pierre Niney. On sent trop son intention de jeu tournée vers le comique, cet aspect est trop appuyé et affaiblit le propos. C'est rassurant de pouvoir rire de quelque chose qui nous est un peu bizarre, c'est sûr, mais ça nous en éloigne aussi. Ca donne moins d'épaisseur à Marc, qui lui ne cherche pas du tout à faire rire et est plutôt en détresse.
Voilà, ça a plutôt pas mal de qualités, mais ça reste un brin en surface. Pousser un ou l'autre curseur plus loin aurait fait du bien : encore plus de créativité, ou bien plus d'humour, ou bien un récit plus poussé, ou alors quelque chose de plus documentaire, ou bien un portrait plus approfondie de Marc... Là, on a quelque chose d'un peu bâtard ; tendre, juste, mais on reste sur sa faim.
Maintenant j'ai surtout envie de (re)voir d'autres Gondry.