Ca faisait un petit moment que je ne fantasmais plus au simple nom de Scorsese (même si j'ai bien aimé Hugo Cabret) mais là, c'est un retour au premier plan pour moi. Son meilleur film depuis Casino. C'est vif, intelligent, rythmé, drôle, etc. Tout le monde se focalise sur la présence du sexe et des drogues quand le propos du film n'est pas là du tout. Alors oui il y a beaucoup de drogues et de femmes dénudées mais ce n'est que la forme. Le fond de l'histoire c'est une satire sociale dressée sous la forme d'une caricature. Scorsese prend un malin plaisir à dégommer à tout va. Scorsese adresse à tout le monde une critique concernant l'argent et notre manière de l'aborder et de vivre avec (ou sans).


Jordan Belfort est un égocentrique mégalomane et mythomane (ou du moins l'a-t'il été lors des évènements qu'il décrit dans son livre et que Scorsese décrit dans le film). Il arnaquait les gens et avait une perception de la réalité complètement biaisée (pour ne pas dire faussée) par ses désirs. Sa vie n'était motivée que par la satisfaction de ses désirs. Désirs de pouvoirs, désirs sexuels, désirs d'évasions artificielles.


On peut douter du degré de véracité des évènements, mais après tout, peu importe si Scorsese en a rajouté ou pas, en tout cas il a choisi de ne montrer que les côtés orgiaques et excessifs de la vie de Belfort et pas de nous faire un descriptif du fonctionnement du système capitaliste et des marchés boursiers. Ce parti pris n'est pas innocent. Cette orgie quasi ininterrompue participe à l’excès propre à la comédie.


Une comédie basée sur le comique de situation bien sûr mais aussi dans les dialogues. Car c'est là que le message du film réside. Des dialogues à plusieurs degrés de lectures dont Di Caprio/Belfort nous délivre les clés. Si on écoute attentivement ces dialogues, le doute se lève complètement quant à l'image que Scorsese veut donner de Belfort : un bouffon. J'entends bouffon dans son sens bouffon du roi. L'homme chargé de faire rire l'assistance par son insolence en se moquant plus ou moins ouvertement de cette même assistance. Dans le film, il s'agit parfois de rire des collègues de Belfort, parfois du FBI, parfois des femmes, parfois de l'américain moyen ou des clients de Belfort mais souvent et surtout de nous spectateurs. Scorsese, par l’intermédiaire de Di caprio/Belfort, nous renvois à notre comportement vis à vis de l'argent et du pouvoir. A nos tentations d'user voire d'abuser de nos pouvoirs/privilèges, à notre jalousie quand nous n'avons pas accès à certains pouvoirs/privilèges ou moins d'argent que d'autres, à la satisfaction de notre ego, à notre société des plaisirs - plaisirs faciles et immédiatement assouvis si possible. Belfort, tel qu'il est décrit dans le film, c'est nous mais grossi. C'est bien de nous, de notre société, dont Scorsese fait la caricature.
Il est évident que ce n'est pas une image qu'on aime voir dans son miroir et ça en dérangera plus d'un, qu'il soit conscient ou non que ce qu'il regarde n'est autre que son propre reflet.
Enfin, et c'est peut être le plus important : Scorsese a pris du plaisir à réaliser, les acteurs ont pris du plaisir à jouer et c'est pour ça que moi aussi j'ai pris du plaisir à suivre cette histoire ! Quand une comédie est à la fois drôle et suffisamment intelligente pour susciter de telles réactions, c'est qu'on a affaire à un grand film.

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le 1 avr. 2014

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ghyom

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